L’histoire
Maxime, propriétaire de deux bâtiments agricoles, avait, en 2010, confié à la société du Canadel, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques sur les toitures. Se plaignant de dysfonctionnements affectant l’installation, la société du Canadel avait, obtenu devant le juge des référés, la désignation d’un expert. Après examen des panneaux, l’expert avait conclu à l’apparition de désordres de nature à en entraver le bon fonctionnement.
Le contentieux
C’est dans ces conditions que la société du Canadel avait assigné son assureur en réparation, sur le fondement de la garantie décennale. « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipements, le rendent impropre à sa destination », indique l’article 1792 du code civil.
Mais en cours d’instance, le 14 janvier 2020, Maxime et la société du Canadel avaient conclu un bail emphytéotique portant sur l’emprise des panneaux photovoltaïques et leurs accessoires. La question était de savoir si la société du Canadel pouvait exercer son action alors que les désordres affectant l’installation en litige étaient apparus avant la signature du bail emphytéotique.
Pour l’assureur, les droits réels temporaires, dont disposait la société du Canadel au titre du bail, sur l’installation qu’elle avait réalisée, ne pouvaient, par principe, l’autoriser à se prévaloir de cette garantie. Seul Maxime, maître d’ouvrage des panneaux photovoltaïques réalisés sur des biens lui appartenant, pouvait engager son action en réparation des désordres survenus avant la conclusion du bail.
Mais les juges se sont écartés de cette thèse. Compte tenu de l’objet du bail emphytéotique, qui confère au preneur des droits réels de jouissance sur le fonds loué, sauf stipulation contraire, l’emphytéose emporte transfert du bailleur au preneur des actions en garantie décennale et en réparation.
Aussi, ayant constaté que la société du Canadel et Maxime avaient conclu un bail emphytéotique portant sur l’emprise des panneaux photovoltaïques, leurs accessoires et l’espace non bâti les surplombant, les juges d’appel avaient pu en déduire, que la société du Canadel avait, dès la conclusion du bail emphytéotique, qualité à agir sur le fondement de la garantie décennale à raison des désordres affectant ces panneaux. Et la haute juridiction n’a pu qu’écarter le pourvoi de l’assureur.
L’épilogue
La société du Canadel pourra obtenir réparation auprès de son assureur. La signature d’un bail emphytéotique aura eu pour avantage d’éviter à Maxime de prendre l’initiative de l’action en garantie décennale avec toutes ses conséquences.