L’unité de méthanisation Arseme est approvisionnée de manière atypique. Installée dans la commune de Montaut, en Ariège, elle a été développée par différents acteurs, dont un collectif de 56 exploitations agricoles. Il s’agit de producteurs de maïs semence, qui ont décidé de valoriser les rangs mâles de leurs parcelles plutôt que de les broyer. « Tout a commencé en 2006, explique Jean Mistou, exploitant et président de Proseme, une des sociétés d’Arseme qui regroupe les agriculteurs du projet. Cette année-là, il y a eu une grosse sécheresse dans le sud de la France. On ne voulait pas détruire nos rangs mâles, alors que les éleveurs craignaient de ne pas pouvoir alimenter leurs troupeaux. »

 

La première version d’ensileuse pour rangs mâles a été développée en 2006-2007 à partir d’une machine à vendanger. Elle peut ensiler un rang à la fois. © G. Baron
La première version d’ensileuse pour rangs mâles a été développée en 2006-2007 à partir d’une machine à vendanger. Elle peut ensiler un rang à la fois. © G. Baron

À partir d’une vendangeuse

Quelques exploitants se sont alors unis pour acheter une machine à vendanger New Holland. Ils la modifient, en y installant un moteur plus puissant et un groupe ensileur Kemper monorang. Une trémie basculante est également ajoutée sur la machine. Dès 2007, les rangs mâles sont ainsi collectés sur 650 ha. Ils fournissent en moyenne 8 t d’ensilage par hectare à destination des éleveurs environnants. L’idée d’une valorisation énergétique de ces plantes a ensuite émergé.

« Ici, il y a 2 000 ha de maïs semence dans un rayon de 15 km, répartis sur les départements de l’Ariège, la Haute-Garonne et l’Aude, poursuit Jean. Nous avons donc identifié un réel potentiel pour une unité de méthanisation. » Le projet est né et a mis neuf ans à sortir de terre. Le méthaniseur repose principalement sur ce maïs ensilé (lire l’encadré).

La deuxième version est plus imposante. Elle est basée sur un automoteur de pulvérisation Condor, de la marque Agrifac. © Xavier Villemur
La deuxième version est plus imposante. Elle est basée sur un automoteur de pulvérisation Condor, de la marque Agrifac. © Xavier Villemur

 

Une version plus élaborée

Une deuxième version d’ensileuse pour rangs mâles a alors vu le jour. « La première n’était adaptée que pour les protocoles 4-2 et 6-2, relève l’agriculteur. La deuxième version (V2) est conçue aussi pour le protocole 2-1. » Cela correspond à une disposition avec 80 cm entre les rangs femelles. Les rangs mâles s’insèrent, eux, dans un interrang sur deux. Ce protocole est plus intensif et conduit à une production de 10 à 12 t/ha d’ensilage à partir des rangs mâles. La machine est plus grosse. Il s’agit d’un porteur Agrifac sur lequel ont été ajoutés une trémie et trois groupes ensileurs : deux à l’avant, de chaque côté de l’appareil, et un en position centrale arrière. « Cet engin est plus développé, mais il n’est pas parfait. »

 

Trois rangs peuvent être ensilés à la fois mais la capacité de la trémie est limitée à 4,5 t. La vidange est latérale grâce à un fond mouvant. © Xavier Villemur
Trois rangs peuvent être ensilés à la fois mais la capacité de la trémie est limitée à 4,5 t. La vidange est latérale grâce à un fond mouvant. © Xavier Villemur

Proseme a en effet subi quelques déboires, notamment au niveau des ensileuses. « Environ 90 % des difficultés viennent du fait que les machines sont d’occasion, re­grette Jean. Celle située à l’arrière subit, par ailleurs, un fort salissement. »

Cet automoteur d’ensilage atypique souffre également d’un souci d’ordre logistique. Le débit de chantier est important, avec l’ensilage de trois rangs à la fois, et la trémie de 4,5 t ne peut pas toujours suivre le rythme. « Si elle est pleine avant la fin du rang, cela pose problème car un tracteur ne peut pas y accéder sans détruire les femelles », poursuit le président de Proseme.

Un groupe ensileur peut être monté sur un attelage hydraulique, placé en position centrale arrière du porteur. © G. Baron
Un groupe ensileur peut être monté sur un attelage hydraulique, placé en position centrale arrière du porteur. © G. Baron

Vers la commercialisation

L’idée est désormais de développer une ultime version. Un membre du collectif, constructeur de matériel agricole, fabrique actuellement des groupes ensileurs neufs pour équiper la V2. Il projette ensuite la mise au point d’une V3, qui pourrait être reproduite et commercialisée. Plus humble que la seconde version, elle posséderait deux groupes ensileurs. Elle aurait d’autre part une plus grande polyvalence, avec la capacité de travailler dans tous les types de protocoles de reproduction. « Les surfaces de maïs semence sont loin d’être négligeables et de nombreux bassins de production tels que le nôtre existent. Il y a un vrai modèle d’avenir pour valoriser tous ces plants mâles, qui sont jusqu’à présent détruits au champ. »

G. Baron