«Mes clients s’inquiètent des problèmes de tassement des sols, à cause des engins de récolte très lourds, souligne Philippe Idé, entrepreneur de travaux agricoles à Brie, dans la Somme. C’est ce qui m’a poussé à rechercher une solution alternative avec aussi l’idée de travailler plus longtemps en saison. Sur internet, j’ai découvert le matériel Alloway, construit aux États-Unis. J’y suis allé en 2016 et j’ai fait venir des outils pour les utiliser à l’automne dernier en chantier décomposé. Il s’agit d’une effeuilleuse et d’une arracheuse chargeuse traînées. Ces machines travaillent en douze rangs et sont repliables au transport. »
L’effeuilleuse comporte trois rotors horizontaux. Le premier possède des couteaux en acier en forme de L. Les deux autres équipés de fléaux en caoutchouc ont pour rôle d’éliminer les pétioles restant sur la racine et de dégager les résidus. Ensuite, des scalpeurs individuels peaufinent le travail. Les roues arrière sont directionnelles afin de maintenir la machine sur le rang, y compris dans les dévers. L’entraînement de l’ensemble est assuré par des courroies, un choix voulu par le constructeur pour simplifier l’entretien.
À l’avant de l’arracheuse, Alloway a installé des roues « Opel » pour soulever les betteraves sans les casser, y compris en conditions sèches. Les racines tombent ensuite sur un convoyeur qui les conduit jusqu’à une table de nettoyage formée par trois rouleaux à spires. Quand la terre est abondante, le chauffeur peut faire tourner le rouleau du milieu en sens inverse. Puis les betteraves montent sur un convoyeur à barrettes jusque dans une trémie de 4 t de capacité, avant le transfert dans la benne.
Conçues pour un écartement entre les rangs de 56 cm, les deux machines ont été modifiées par l’entreprise pour passer à 45 cm. Le système de repliage a également été revu afin de respecter le gabarit routier. Pour faciliter la conduite, Philippe Idé a installé sur chaque outil un système d’autoguidage.
« Travailler en chantier décomposé pourrait être considéré comme un retour en arrière, ajoute l’entrepreneur, mais ce n’est pas mon avis. Ce qui compte, c’est la qualité du travail ainsi que la rentabilité. Tous les planteurs chez qui j’ai récolté avec ce matériel reconnaissent que l’effeuillage des betteraves est d’excellente qualité, avec très peu de pertes. Il faudra s’intéresser à la conservation et aussi aux résultats obtenus à l’usine. » Le service agronomie de Saint-Louis Sucre suit cette technique de près. Il mesurera au fur et à mesure des enlèvements si des différences sont visibles.
Nouvelles adaptations
L’ensemble Alloway est plus léger qu’une arracheuse intégrale et en douze rangs, le nombre de passages est divisé par deux. Un effet sur la compaction des sols est donc logiquement espéré (lire l’encadré ci-dessous). Pour 2018, Philippe Idé envisage de nouvelles adaptations. Il pense ainsi équiper l’arracheuse de roues motrices à l’arrière pour éviter du patinage en conditions humides et assurer un bon suivi dans les dévers. Un autre projet serait de n’utiliser qu’un seul tracteur en plaçant l’effeuilleuse sur le relevage avant. Pour cela, il faudra resserrer au maximum tous les éléments et peut-être supprimer le troisième rotor. Mais il ne franchira ce cap qu’à la condition de conserver la même qualité d’effeuillage. « D’un point de vue économique, il est possible de proposer un prix d’arrachage à l’hectare qui soit concurrentiel avec celui d’une intégrale, estime l’entrepreneur. En effet, à l’achat comme pour l’entretien, ce matériel revient moins cher. De plus, les tracteurs utilisés pendant la récolte servent le reste de l’année sur d’autres chantiers. » Rendez-vous donc à l’automne prochain.