Détecter un manque d’eau, la présence d’agents pathogènes ou une carence en nutriments chez les plantes cultivées avant les premiers symptômes visibles, c’est la promesse d’un nouveau domaine de recherche, qui utilise la fluorescence. Une équipe israélienne avait annoncé dès 2021 être capable de détecter précocement des réponses aux stress chez la pomme de terre, notamment un manque d’eau. Avant elle, d’autres équipes internationales s’étaient penchées sur la question, chez des plantes modèles comme Arabidopsis thaliana. Mais récemment, des start-ups se sont lancées sur ce créneau et promettent des plantes dont on pourra détecter les stress au champ grâce à la fluorescence dès l’année prochaine.
Une cartographie précise des plantes stressées
Lorsqu’elle est soumise à un stress, une plante émet des molécules antioxydantes. Les chercheurs de l’université hébraïque de Jérusalem (1) ont introduit dans un plant de pomme de terre un gène codant pour une protéine fluorescente sensible à ces molécules. Lorsqu’un stress est déclenché, la plante devient donc fluorescente. La modification génétique est ainsi l’une des techniques permettant de rendre les plantes fluorescentes. D’autres chercheurs ont tenté une approche différente : des nanoparticules insérées dans la plante émettent de la lumière lorsqu’un stress se manifeste. Dans les deux cas de figure, la fluorescence est détectée par des caméras dans les champs. Elle permet de repérer précisément les plantes qui ont besoin d’eau, d’antifongique ou de nutriments, et ainsi de limiter l’irrigation ou l’épandage au strict nécessaire.
La première plante mise au point par la start-up américaine InnerPlant est du soja qui devient fluorescent en cas d’attaque de champignon. L’entreprise a indiqué que si elle a commencé par la détection du stress fongique, c’est parce que 95 % du soja aux États-Unis est cultivé en culture pluviale et donc un signal de sécheresse dans le soja ne serait pas très utile. Ce premier produit devrait être commercialisé dès le début de 2025 aux États-Unis. L’entreprise précise qu’elle souhaite à terme étendre sa gamme à la signalisation du stress induit par une agression d’insectes, une carence en azote, et la sécheresse, à la fois chez le maïs, le coton et le soja. Avec l’insertion de plusieurs protéines qui brillent à différentes longueurs d’onde, il est théoriquement possible de mettre au point des plantes capables de signaler plusieurs menaces.
Des plantes transgéniques
À quel prix ? InnerPlant affirme qu’il ne sera pas rédhibitoire pour les agriculteurs américains, sans entrer dans le détail. Aux États-Unis, ces plantes transgéniques nécessitent une approbation par le département de l’Agriculture américain (USDA). En 2020, les États-Unis ont adopté une loi qui simplifie le processus d’approbation réglementaire pour les caractères déjà utilisés dans des cultures transgéniques précédemment approuvées. Or, la fluorescence a déjà été approuvée il y a de nombreuses années, alors qu’elle était utilisée par les semenciers. Les graines de soja à détection fongique d’InnerPlant ont donc été approuvées en seulement neuf mois. Avant 2020, le coût de l’introduction d’un transgène dans une culture et de son approbation par l’USDA était estimé à 136 millions de dollars (environ 125 millions d’euros) et durait environ quatre ans. Cet assouplissement des règles permet à InnerPlant de réduire ses coûts. Il est probable que d’autres entreprises se lancent sur ce créneau dans les années à venir. Une autre start-up, Plantell, semble s’être lancée sur un objectif similaire. Mais cette entreprise israélienne communique encore peu, étant probablement encore en phase de test. En Europe, malgré une évolution possible de la réglementation sur les OGM en cours de discussion, les champs ne risquent pas de voir pousser des plantes fluorescentes de sitôt.
(1) Sensing stress responses in potato with whole-plant redox imaging, Plant Physiology, 2021