«Sylvie Derridj, de l’Inra, a lancé un pavé dans la mare en fouillant du côté des sucres », lance Jean-Baptiste Thibord, ingénieur Arvalis. Elle a émis l’hypothèse, il y a une dizaine d’années, que des infradoses de saccharose et de fructose stimuleraient les défenses naturelles des plantes, qui lutteraient mieux contre les ravageurs. Arvalis s’empare du sujet en 2013 et réalise des essais au champ sur maïs doux, puisque la chercheuse a travaillé sur cette culture.
Le projet Sweetne manque pas de sel
« Les doses qui présentent, en moyenne, la meilleure efficacité contre la pyrale sont de l’ordre de 1 g/l (200 g/ha), soit beaucoup plus que les infradoses testées à l’origine », souligne l’ingénieur. L’infestation est réduite de moitié. Les résultats sont les mêmes, quels que soient les maïs testés, notamment pour le type grain en région Centre.
La démarche s’est ensuite précisée dans des projets, dont Sweet (Casdar de 2016-2019), sur grandes cultures entre autres. Arvalis et ses partenaires ont cherché à vérifier l’hypothèse de Sylvie Derridj, selon laquelle le sucre aurait un effet physiologique. « En présence de scutigérelles sur maïs grain, la protection est de 20 %, avec une augmentation de 18 % tant de la hauteur des plantes que du rendement. Malheureusement, sur taupins et nématodes – maïs grain également –, c’est moins flagrant. De plus, en l’absence de bioagresseurs, aucun bénéfice n’a été observé », poursuit Jean-Baptiste Thibord. Cette hypothèse n’a donc pas été validée par l’institut.
D’autres théories ont alors émergé, pouvant expliquer l’efficacité du sucre pour la protection de la plante, dont l’idée que cette dernière puisse émettre des composés organiques volatiles (COV). « Cependant, aucune différence n’a été mesurée, que le maïs ait reçu du sucre ou non », précise l’ingénieur. Une autre piste résiderait dans la modification du microbiote environnant la plante. « Or, pour l’instant, cela n’a pas été expérimenté, poursuit-il. Pour moi, il existe une quatrième hypothèse étudiée sur maïs. Les sucres augmenteraient l’abondance des auxiliaires, lesquels seraient mieux installés au moment de l’arrivée des ravageurs. Cette éventualité avait déjà été présentée en 1973 aux États-Unis, où l’efficacité des sucres à doses élevées atteignait 50 %. Les chercheurs étaient allés jusqu’à mesurer les populations d’auxiliaires et avaient démontré que leur augmentation entraînait la diminution de celles de la pyrale. »
Des essais ont également été menés sur blé tendre. Pour l’heure, aucun impact du sucre sur les pucerons d’automne n’a été constaté. « Sur cécidomyies, les efficacités sont étonnantes, dépassant 50 %, souligne Jean-Baptiste Thibord. Cela nous a amenés à revoir nos dispositifs expérimentaux. Cette efficacité n’est finalement pas expliquée par l’apport de sucre. L’efficacité observée régulièrement sur pyrale du maïs reste à expliquer. »
Isabelle Lartigot