Dans votre situation, la première question à se poser est de savoir si vous êtes bien titulaire d’un bail rural. Le principal problème en cas de bail verbal, c’est de prouver l’existence du bail. L’article L. 411-1 alinéa 1 du code rural définit le bail rural comme toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter, que ce bail soit écrit ou verbal. Le prix est donc un élément déterminant pour caractériser le bail.

D’après le texte, la preuve peut être apportée par tous moyens : quittances du propriétaire, témoins ayant assisté à plusieurs règlements de loyers… En cas de litige, il faut donc se tourner vers le tribunal paritaire des baux ruraux. Ce sont les juges du tribunal paritaire qui apprécient au cas par cas en fonction des éléments en présence.

Si vous disposez bien d’un bail rural, en cas de vente du bien loué, vous bénéficiez en tant que fermier d’un droit de préemption. Mais attention, l’article L. 411-32 du code rural permet au propriétaire de résilier le bail sur les terrains devenus constructibles, notamment ceux classés en zone U d’un plan d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ou en l’absence de ces documents, avec l’autorisation du préfet. Cette procédure est utilisée lorsque le bailleur décide de changer l’affectation des terrains ou de les mettre en vente. Le propriétaire doit notifier la résiliation au fermier par exploit d’huissier et cette résiliation ne prend effet qu’un an après.

« En cas de résiliation anticipée du bail, le fermier a le droit à une indemnité d’éviction. »

Une fois le bail résilié, le fermier ne peut plus préempter et le propriétaire peut vendre librement. Le congé doit mentionner l’engagement du bailleur de changer ou de faire changer la destination des terrains dans les trois ans qui suivent la résiliation (article L. 411-32 alinéa 3). Dans un arrêt récent du 15 novembre 2023, la Cour de cassation a rappelé ce principe. « Les juges du fond doivent s’assurer que le cadre requis pour ce changement de destination est rempli, à savoir des parcelles incluses dans une zone U d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou alors, une autorisation du préfet, autorité administrative compétente en pareil cas, après avis de la commission consultative départementale des baux ruraux », a indiqué la Cour de cassation.

En cas de résiliation anticipée du bail pour cause de changement de destination agricole du bien notamment l’urbanisation, le fermier a le droit à une indemnité d’éviction. Cette indemnité doit être payée par le propriétaire puisqu’elle découle des obligations du statut du fermage. Selon l’article L. 411-32 du code rural, le preneur est indemnisé du préjudice qu’il subit comme il le serait en cas d’expropriation. En revanche, le fermier ne peut réclamer une indemnité que s’il se trouve dans l’obligation de quitter les lieux avant la date d’expiration du bail. Si l’éviction coïncide avec la fin du bail, la Cour de cassation ne reconnaît pas le droit à indemnisation.

Reste une autre question : le fermier en place peut-il préempter sur un terrain constructible ? La loi est muette sur ce point. On pourrait supposer que le droit de préemption du preneur subsiste tant que le bailleur n’a pas exercé correctement le droit de résiliation. En cas de litige, là encore, c’est le tribunal qui tranchera.