«Dans votre situation, il convient de déterminer la nature, l’existence et l’opposabilité d’un éventuel droit de faire s’écouler les eaux de drainage litigieuses », explique François Moulière, avocat associé au cabinet Avoxa, à Rennes. La servitude légale d’écoulement des eaux de drainage au moyen d’un émissaire (article 152-20 du code rural) ne peut pas s’appliquer s’agissant du parc d’un château, car le texte en exclut les « habitations et les cours, jardins, parcs et enclos y attenant ». En l’absence de servitude légale, elle peut être acquise par convention, par prescription, ou par destination du père de famille. « Par opposition à celles qui résultent de la configuration des lieux, les servitudes conventionnelles sont volontaires et figurent dans un titre publié. Dans ce cas, faute de pouvoir démontrer l’accord verbal, et surtout sans titre écrit, la servitude n’est pas conventionnelle », poursuit l’avocat.

En vertu des articles 690 et 692 du code civil, l’acquisition des servitudes par prescription ou par destination du père de famille suppose qu’elles soient continues et apparentes. D’après l’article 688 du code civil, une servitude est continue lorsqu’elle s’exerce sans l’intervention de son titulaire. Et selon l’article 689 du code civil, elle est apparente lorsqu’elle s’annonce par des ouvrages extérieurs, tels qu’une porte, une fenêtre, un aqueduc ou un fossé.

« En l’espèce, l’émissaire construit par les agriculteurs constitue donc la marque d’une servitude continue et apparente, qui peut s’acquérir par destination du père de famille ou par prescription, analyse François Moulière. Les fonds (celui qui subit l’écoulement et celui qui est drainé) n’ayant pas été divisés par un seul propriétaire après installation des drains, l’hypothèse d’acquisition par destination du père de famille doit être écartée au profit de la prescription trentenaire. »

La prescription permet d’obtenir une servitude par l’effet d’une possession trentenaire, continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (articles 690, 2258 et 2261 du code civil).

« Dans votre cas, il s’agit de déterminer avec précision la date de réalisation de l’émissaire caractérisant le point de départ du délai de prescription acquisitive, ainsi que le terme de cette période correspondant au blocage opéré par le nouveau propriétaire. L’écoulement du délai de prescription est opposable aux propriétaires successifs », résume l’avocat. Dans l’hypothèse où la servitude serait établie, les agriculteurs devront saisir le tribunal judiciaire afin de revendiquer celle-ci et demander qu’elle soit rétablie.