Ce 23 juin 2025 est un grand jour pour Tartine et Thor. Après neuf mois en stabulation, les deux Kangal (bergers d’Anatolie) d’un an sortent enfin au pré, avec un lot d’aubracs d’âges mélangés. « Pour leur première sortie, j’ai choisi un parc de 3,5 hectares facile à surveiller en permanence », indique Étienne Mathieu, qui a rajouté deux fils à sa clôture électrifiée pour empêcher les chiens de passer dessous. L’éleveur est rassuré : pour l’instant, les canidés restent bien avec le troupeau.
La prédation progresse sur les bovins
Rares sont les éleveurs bovins ayant misé sur le chien comme protection face au loup. À Chézery-Forens, dans l’Ain, au pied du Jura, Étienne Mathieu élève quarante vaches aubrac et engraisse toute leur suite. Il n’a jamais subi de prélèvement, mais des meutes sont de passage et la prédation progresse sur les bovins du Jura voisin.
« J’ai préféré agir avant les dégâts, résume-t-il. J’ai acheté deux chiots en septembre 2024, puis suivi deux jours de formation avec l’Institut de l’élevage (Idele), où j’étais le seul en élevage bovin. J’aurais dû me former avant d’avoir les chiots pour éviter quelques erreurs… Par exemple, mieux vaut commencer avec un seul chien. À deux, ils s’entraînent dans les bêtises. »
Créer un attachement entre les chiens et le troupeau
En formation, Étienne Mathieu a été averti : ce ne sont pas des chiens de compagnie. « Ils doivent être assez familiers pour se laisser manipuler, mais ils doivent préférer la compagnie des bovins, explique- t-il. Pour créer cet attachement, il ne faut pas les laisser gambader comme j’étais tenté de le faire. Ils ont donc passé tout l’hiver dans la stabulation avec le troupeau, d’abord séparés des bovins. Puis je les ai mis avec les veaux séparés des mères. À la fin, j’ai mis tous les animaux ensemble. Je laissais un lieu de repli pour les chiens, car mes vaches, qui ont des cornes et du caractère, les malmenaient parfois… »
Le lien avec les veaux s’est vite établi. Cette familiarité a même un bémol : les chiens cherchent à goûter l’aliment des veaux, et vice-versa… Les adultes ont eu plus de mal à les accepter. Faute d’y parvenir, une vache a été réformée. « Il y a quand même de beaux moments, reprend l’éleveur. J’ai vu une vache, méfiante au début, lécher les chiens. Et eux jouent souvent avec les veaux. » Il a aussi fallu habituer les chiens à l’attache, au transport en bétaillère…
Beaucoup de temps englouti par l'éducation des deux kangals
Étienne Mathieu avoue qu’il n’imaginait pas le temps qui serait englouti par l’éducation de ses deux recrues. « J’ai aussi adapté les sorties de mes différents lots, et refait les clôtures des parcs où iront les chiens, témoigne-t-il. Cela nous a pris trois jours, à dix, pour clôturer un parc de 10 hectares avec trois fils… Et j’en ai un second à faire. »
Parmi ses autres parcs, certains sont traversés par les randonneurs. D’autres sont en alpages collectifs, partagés avec des bovins non habitués aux chiens et clôturés uniquement par un double fil. Pas question pour Tartine et Thor d’y mettre les pattes.