«Le tout premier prélèvement s’est révélé positif. C’était en novembre 2010. Quand j’ai reçu l’appel du laboratoire, j’étais dévasté. Je savais ce que cela signifiait : un vide sanitaire et un arrêt de la commercialisation. Tout s’est écroulé, je me suis imaginé que la gendarmerie allait débarquer.

Je me suis installé avec mes deux frères à la suite de notre père. Notre exploitation est familiale. L’atelier de volailles de plein air, nourries avec les céréales de la ferme, est dans notre ADN. Tout d’un coup, l’application du “paquet hygiène” obligeait les petits élevages fermiers à réaliser des autocontrôles réguliers pour détecter les salmonelles, comme en élevage industriel. Ce contrôle positif a atteint notre raison d’être.

Sur le moment, on culpabilise, on se dit qu’on a mal fait notre travail et on est dépassé par le poids des démarches. Il fallait que nous trouvions seuls les mesures de désinfection adéquates, sans réellement savoir où chercher des informations. Après le premier vide sanitaire, des traces de la bactérie ont à nouveau été détectées dans un chemin. Au total, cela a duré dix mois et provoqué un déficit financier dont nous avons mis cinq ans à nous relever.

Nous nous sentions isolés, perdus. Nous nous sommes mis autour d’une table pour sauver ce qui pouvait l’être. Nous avons réalisé que notre principale richesse était notre clientèle. Alors, pour l’informer de l’état sanitaire de la ferme, nous lui adressions une lettre chaque mois. La grande majorité a affiché son soutien en continuant à venir au magasin, alors que plus un seul poulet n’arpentait les parcours.

Cette période extrêmement difficile nous a marqués à vie, mais elle nous a aussi rendus plus forts. Presque dix ans plus tard, même si nous sommes plus sereins, nous redoutons toujours les contrôles, notamment à l’automne. Nous sommes très pointus quant à la désinfection et nous usons largement de la flore bactérienne pour nous garantir. À l’époque, ce qui nous a manqué, c’est d’en parler avec d’autres agriculteurs éprouvés. Alors, je veux dire aux autres éleveurs qu’il ne faut pas en avoir honte. La présence de traces de salmonelles ne signifie pas que l’on est un sagouin. On peut s’en relever, à condition de trouver du soutien. »

Propos recueillis par Pauline Bourdois

Le Comité national d’action et de défense des aviculteurs (CNADA), présidé par Patrick Mille , tél. : 05 63 30 62 36, accompagne les éleveurs avicoles fermiers pour tous les aspects sanitaires.