«Odyssée ! », « Perle ! » Il suffit à Dany Lahaye de héler ces deux chiennes, pour que les sept autres molosses accourent vers elle, en remuant la queue. Il ne faut pas se fier à leur air affable, ces quadrupèdes qui appartiennent à la race cão de gado transmontano sont de redoutables gardiens. Les mâles mesurent jusqu’à 90 centimètres au garrot et pèsent 75 kg. « Au Portugal, dont ils sont originaires, ils suivent les bergers depuis la nuit des temps pour protéger les troupeaux du loup, explique l’éleveuse de chevaux lusitaniens. À force de côtoyer ces prédateurs, ils ont fini par en copier les codes. Ils agissent en meute. Lorsque les troupeaux se déplacent, les jeunes chiens se placent devant et les plus anciens, aguerris aux attaques, ferment la marche. » Ces animaux rustiques sont habitués aux conditions extrêmes. Ils ne craignent ni le chaud ni le froid et se nourrissent de peu.

Parcours du combattant

Notre écuyère a découvert ces chiens lors d’un de ses déplacements professionnels dans leur patrie. « Je me suis tout de suite passionnée pour eux », confie-t-elle. En 2003, elle rapporte dans ses bagages Macho, pour défendre sa propriété située à Albaron (Bouches-du-Rhône), dans la pampa camarguaise.

Dix ans plus tard, à son retour de la foire aux chevaux de Golegã, Dany rentre à la ferme avec Ginja, une femelle de couleur noir bringé. « Je me suis alors mise en quête d’un mâle au pelage jaune, raconte-t-elle. Ce fut un parcours du combattant. Dans leur pays, la race a bien failli péricliter, car les bergers ne s’en occupaient pas. Le parc de Montesinho a, d’ailleurs, lancé un programme en faveur de leur préservation. » L’agricultrice finira par trouver Dino chez un confrère dans la Drôme. Elle s’attache alors à faire reconnaître la race auprès de la Société centrale canine. Dino sera le premier cão de gado transmontano inscrit au livre des origines français (Lof). Ginja sera, quant à elle, confirmée dans son pays de naissance.

« J’ai découvert des chiens intuitifs, affectueux et très attachés à leur maître. »

« Ces chiens sont intuitifs, affectueux et très attachés à leur maître », poursuit-elle. Odyssée, la fille de Ginja et de Dino, est ainsi devenue la gardienne de l’écurie. Avec elle, les pur-sang sont en sécurité. La famille s’est peu à peu agrandie. « J’ai ensuite acheté Gala, qui a donné naissance à Perle, et d’autres chiots sont arrivés par la suite », explique Dany, qui en a neuf aujourd’hui, et s’est peu à peu lancée dans l’élevage de ces chiens.

Avec sa tribu, elle enchaîne les concours. Dino a été sacré champion de beauté et meilleur de sa race. Perle a gagné contre le numéro un de la race au Portugal. À cinq mois, Romald a remporté, cette année, le titre de meilleur baby. « Je me suis piquée au jeu de ces expositions, reconnaît l’éleveuse. C’est divertissant, et c’est aussi un moyen de faire connaître ces chiens hors du commun. » Au détour d’une confidence, elle avoue qu’ils l’ont sauvée de la déprime quand elle a rencontré, il y a peu, des difficultés sur son exploitation : « Ils m’ont littéralement portée, et m’ont redonné des ailes. » À leur tour de jouer les sauveteurs.

Chantal Sarrazin