«Je voulais faire plaisir à ma femme, Laurence, ainsi qu’à notre fille et nos trois garçons, âgés de 6 à 13 ans. En juin dernier, un champ magnifique de coquelicots m’a inspiré. J’ai ainsi commencé à faucher quelques fleurs pour tracer, de manière éphémère, un immense cœur. Je m’octroyais chaque jour un bref moment pour m’y atteler, histoire aussi de souffler par rapport au boulot. Je me suis appliqué !
J’étais toutefois loin d’imaginer que ma démarche, menée dans le plus grand secret, allait non seulement être dévoilée, mais aussi susciter autant d’intérêt. Mon initiative a été démasquée par les passagers d’une des nombreuses montgolfières qui survolent les champs chaque jour. À bord d’un ballon passé à une dizaine de mètres au-dessus de ma parcelle, un homme s’apprêtait à demander la main de son amie quand il a découvert le cœur de coquelicots. Ce symbole, destiné à mes proches, s’est ainsi retrouvé à “faire le buzz” sur les réseaux sociaux puis les médias. Quand j’ai été prévenu - on m’a félicité “pour mon romantisme” ! - j’ai répondu volontiers aux sollicitations, mais sans jamais donner l’emplacement précis du champ. Je ne voulais pas risquer d’attirer tous les amoureux de la région.
Mon épouse et moi sommes mariés depuis 2008. En 2013, ma famille m’a suivi dans mon désir de reconversion. Nous habitions à Paris, j’exerçais le métier de consultant en système d’information. Je rêvais d’une vie, non pas moins rapide - je savais l’exigence du métier d’agriculteur -, mais plus forte de sens et dans un cadre agréable. J’avais besoin de me rendre utile. Originaire du Nord, j’ai trouvé, non sans peine, quelques hectares à acheter dans les Alpes-de-Haute-Provence. Je me suis formé puis installé en 2015. Depuis, je n’ai jamais regretté ma décision. Je cultive en bio des céréales, des légumes... et quelques coquelicots.
Ni ma femme, ni mes enfants ne s’attendaient à ce cœur que je leur ai confié plus rapidement que prévu. Mon approche était très spontanée, cela m’apportait un moment de détente quotidien. Comme tout agriculteur, je travaille beaucoup. Il est important d’apprendre à s’octroyer des petites parenthèses pour réaliser d’autres choses et faire plaisir à sa famille. Il faut être un peu poète pour s’épanouir dans le métier et dans la vie, non ? »
Propos recueillis par Rosanne Aries