Il y a quelques jours, soulevant une balle d’ensilage d’herbe, Éric Favre a dérangé une belette. L’animal s’est échappé, la scène a duré moins d’une seconde. « Mais des moments comme celui-ci me remplissent de bonheur », confie l’éleveur laitier de Loire-Atlantique. À cinquante-cinq ans, Éric, qui s’exprime avec autant de vivacité que de retenue, reste un observateur très attentif de la vie sauvage qui l’entoure « et qui s’est installée presque à mon insu », explique-t-il. De fait, il y a vingt ans, pour consolider son système herbager, l’exploitant a planté 5 km de haies sur ses 45 hectares de SAU. « À peine deux ans plus tard, je me suis aperçu qu’une faune et une flore absentes jusqu’ici apparaissaient », raconte-t-il.
Doté d’un esprit scientifique, l’agriculteur, formé à l’École nationale d’agronomie de Rennes, commence alors à consigner ce qu’il repère. « Cela pouvait être aussi bien le chant d’un coucou que la découverte d’un terrier, d’une primevère officinale ou la présence d’un busard Saint-Martin ou d’un nid de pigeons », poursuit-il. Et quand il ne sait pas, cet opiniâtre cherche, se renseigne, consulte des guides. « Étudier la nature est une activité ingrate au démarrage, mais plus vous vous exercez, plus vous voyez de choses extraordinaires », savoure-t-il.
Tout noter
Au fil des ans, Éric Favre a accumulé des dizaines d’observations, toutes notées dans « le petit carnet qui me sert pour l’exploitation et que j’ai toujours sur moi ». Ses connaissances se sont enrichies, son œil s’est aiguisé et lui, qui garde le souvenir de « piètres résultats scolaires en français », s’est mis à écrire des chroniques. « Mon souci est de dépeindre, mais aussi de garder une trace de l’émotion ressentie, et de la partager », confie-t-il.
Aujourd’hui rassemblés dans un livre (lire l’encadré), ses écrits relatent autant son expérience d’éleveur que celle de naturaliste. À ses yeux, les deux ne forment d’ailleurs plus qu’un. « Lorsque j’ai commencé à observer la nature, je le faisais tout en continuant mon travail, évoque Éric. Désormais, je m’arrête, conscient de mon énorme chance. Et je crois que, plus je vois les gens autour de moi courir, plus j’ai envie de prendre ce temps. » Anne Mabire