Un grand parc arboré avec une cabane, une quinzaine de congénères, de la nourriture et de l’eau fraîche chaque jour et une caresse quand on tend le groin : que rêver de plus pour un cochon ? Ceux élevés par Eric Girard à Domsure, dans l’Ain, semblent comblés.
Ancien éleveur bovin en lait à comté, il a cessé en 2021 cette production devenue trop stressante après une succession d’incidents. Avec le porc en plein air intégral, élevé selon la charte Grand Porc Pleine Nature (GPPN), il gagne aussi bien sa vie avec moins d’astreinte et de pression. « La seule période stressante est le chargement pour l’abattoir : je passe dix jours à vider un parc à cause des réfractaires », confie-t-il.
Les porcelets, issus de croisements de duroc et large white avec 25 % de sang piétrain, naissent en bâtiment paillé avec courette. Ils arrivent chez Eric autour de douze semaines à 20 kg, passent leur vie dans un parc de 2 à 3 ha et sont abattus à douze mois. Un ou deux déparasitages sont effectués sur les lots. Pour sortir environ 230 porcs par an, l’élevage compte huit parcs (un neuvième est en construction), ensemencés avec un mélange de ray-grass, trèfles et chicorées. « Je laisse la prairie monter à graine la première année pour qu’elle reparte bien l’année suivante, indique l’éleveur. Si c'est nécessaire, je fais un sursemis avec les légumineuses, dont les porcs sont friands. »
La charte GPPN fixe une limite à dix porcs par hectare. « C’est cohérent avec ce que peut supporter le sol en hiver. » Chaque parc comporte une bauge et une cabane paillée, partiellement fermée en hiver mais non chauffée. Les haies et bosquets offrent des ressources alimentaires variées et de l’ombre en été. L’éleveur distribue un aliment le matin et repasse le soir pour contrôler les abreuvoirs.
Prélèvements dans la nature
Selon la saison de mise en place, les performances varient. « Un lot arrivé à l’automne, qui passe l’hiver dehors, doit être davantage complémenté qu’un lot de printemps, indique Eric. D’un lot à l’autre, la consommation d’aliment oscille entre 620 et 750 kg/porc. Ces variations sont moins liées à la saison de mise en place qu’à la présence ou non de chênes dans les parcs. » Les prélèvements d’aliment dans la nature jouent aussi sur la qualité des carcasses.
« Je ne les avais pas assez pris en compte au début. Je travaille avec mon fournisseur d’aliment pour ajuster les formulations. Maintenant, nous avons une bonne couverture de gras mais pas encore assez de persillé. » Les croissances sont hétérogènes avec des poids de carcasse allant de 130 à 180 kg, et une moyenne de 167 kg. Un peu lourd pour la salaisonnerie classique, mais appréciable pour des jambons destinés à vieillir. Les carcasses les plus légères (une trentaine par an) sont transformées à la ferme et vendus en caissettes.
Bien que non issus de races rustiques et nés en bâtiments, « les porcs s’adaptent très bien », assure l’éleveur. Pour que les porcelets supportent bien le froid humide de l’hiver, 20 kg est le poids charnière, estime-t-il. C’est aussi un gabarit suffisant pour éviter les attaques de corbeaux. Quant aux autres animaux sauvages, les doubles clôtures électrifiées sont des remparts efficaces contre les sangliers, mais il croise les doigts pour ne pas être confronté aux loups.