Et si on faisait pâturer les truies en gestation ? C’est le pari du projet Casdar Secalibio, qui vise à améliorer l’autonomie protéique des monogastriques en production bio. Des essais ont été menés en 2016 et 2017 sur la ferme expérimentale des Trinottières (1). Les chercheurs ont supprimé les protéagineux et les tourteaux (soja et tournesol) de la ration et les ont remplacés par du pâturage. Deux types de prairies sont testés : une précoce (8 kg/ha de ray-grass hybride, 3 kg de trèfle blanc, 3 kg de trèfle violet) et une tardive (16 kg/ha de ray-grass anglais, 3 kg de trèfle blanc, 3 kg de trèfle hybride et 5 kg de luzerne).

Performances similaires

En moyenne, les truies gestantes entrent dans la pâture à 11 cm de hauteur d’herbe et en ressortent à 6 cm. « Elles consomment d’abord les légumineuses et ingèrent d’importantes quantités d’herbe, 1,75 kg de MS par bête et par jour en moyenne. Et cela, sans abîmer les prairies, relate Jean-Marie Mazenc, chargé de mission filière élevage à Bio Centre. Les quantités absorbées varient selon la taille de la truie (2 kg MS/jour pour les plus grosses et 1,5 kg MS/jour pour les petites), le stade de l’herbe, ou la période de pâturage. » Peu d’écarts sont observés entre les prairies précoces et tardives.

Après le régime de pâturage, les truies ne perdent pas d’état corporel. Les performances de reproduction sont similaires, excepté le nombre de porcelets sevrés par portée. La bande mise à l’herbe en compte un de moins, soit 9 petits. « Cela s’explique essentiellement par deux années d’importantes canicules printanières. La chaleur a pénalisé le lot au pâturage. »

Cette pratique connaît néanmoins quelques limites. Les chercheurs ont observé une forte compétition à l’auge au moment des repas, les animaux ayant moins d’aliments concentrés à manger. Par ailleurs, certaines truies ont moins de motivation à pâturer en fin de gestation, du fait de leur poids et du couvert moins appétant en fin de printemps. Les responsables de la ferme des Trinottières recommandent donc la mise en place d’une alimentation individuelle, et de revenir à une ration complète les trois dernières semaines de gestation.

16 % d’économie

L’impact de la suppression des protéines dans les concentrés à l’auge permet de diminuer le coût alimentaire de 16 % en moyenne. En effet, le coût de la bande témoin est de 362 €/truie/an, contre 304 € au pâturage, semences et clôtures comprises. Pour un lot de dix femelles, l’économie peut représenter jusqu’à 580 €/an. Néanmoins, ce chiffre varie en fonction du nombre de jours de pâturage, du prix des matières premières et de la composition de la prairie. Pour aller plus loin, les chercheurs souhaitent tester l’intégration de distribution d’enrubannage hors période de pâturage et mieux connaître la valeur des fourrages au cours du printemps pour des porcins.

Aude Richard

 

(1) Suivie par la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire, en collaboration avec l’Itab (institut technique de l’agriculture biologique), la chambre d’agriculture des pays de la Loire et l’Institut de l’élevage.