«La luzerne est réputée pour être mal consommée par les porcs. Or, nous avons observé exactement l’inverse ! », rapporte Stéphane Ferchaud, ingénieur à l’Inra.
L’amélioration de l’autonomie protéique est un enjeu fort en élevage porcin, en particulier en agriculture biologique. Dans le cadre du Casdar Secalibio, les essais conduits en 2017 et 2018 par l’Inra de Rouillé, dans la Vienne, visent à évaluer les effets de la distribution de légumineuses fourragères à des porcs en croissance. « D’autant que la réglementation pour la production de porc biologique impose l’apport de fourrages grossiers », souligne le spécialiste.
Un fourrage appétent
L’étude a été menée sur trois bandes de 60 porcs en croissance (large white x piétrain). Chaque bande était répartie en cinq lots. Deux d’entre eux, dont le témoin, recevaient un concentré de croissance d’une quantité équivalente à 4 % du poids vif. Pour les trois autres, la quantité de concentré distribuée était inférieure de 10 %, 15 % et 22 % aux deux premiers lots. À l’exception du lot témoin, tous les porcs disposaient, en supplément, de luzerne à volonté. Sur les trois bandes étudiées, les deux premières la recevaient sous forme d’enrubannage, respectivement à 75 % et 52 % de matière sèche (MS). Pour la troisième, il s’agissait d’un foin à 90 % de MS.
« Globalement, la consommation de la légumineuse est très satisfaisante, rapporte Stéphane Ferchaud. Un constat se dégage : plus le taux de matière sèche du fourrage est faible, plus il est consommé. » Ce sont donc les deux premières bandes de porcs, disposant de luzerne enrubannée, qui ont consommé davantage de fourrages, y compris les animaux non rationnés en concentrés. « Pour le lot rationné à 22 % et disposant d’enrubannage à 52 % de MS, la consommation journalière a atteint plus d’un kilo brut par porc et par jour. Le fourrage était si appétent que le concentré à l’auge était parfois délaissé. »
Des carcasses moins grasses
Toutefois, du point de vue de la croissance, l’ingestion de la légumineuse n’a pas permis de compenser le rationnement du concentré. « Si l’on inclut le fourrage dans le calcul, les indices de consommation des lots ayant accès à la luzerne se sont détériorés, constate l’ingénieur. En revanche, sa forte consommation permet de rationner le concentré, tout en limitant la compétition. Par les sucres et les protéines qu’elle contient, la légumineuse apporte bien plus qu’une simple paille, souvent très peu consommée, de l’ordre de 15 g par jour. »
L’intérêt de rationner le concentré réside dans l’obtention de carcasses plus maigres, particulièrement recherchées en agriculture biologique. « Le taux de muscles des pièces (TMP) augmente avec l’intensité du rationnement des porcs, en raison de la baisse des épaisseurs de gras », souligne Stéphane Ferchaud.
Vincent Guyot