Les résultats de l’étude ont été publiés le 24 octobre 2024 dans la prestigieuse revue internationale Science. Les effets de 1 024 produits phytopharmaceutiques ont été étudiés sur différentes populations d’insectes. Parmi eux, des herbicides, fongicides ou herbicides (1), qu’ils soient autorisés d’utilisation ou non au sein de l’Union européenne.
Les scientifiques du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) et leurs collaborateurs (2) ont notamment montré sur des drosophiles (mouches des fruits) que 57 % des produits chimiques modifiaient le comportement larvaire, même à des doses considérées comme non létales, tandis que des niveaux plus élevés compromettaient leur capacité de survie à long terme après une exposition aiguë.
Les effets sont exacerbés par une augmentation des températures
« Nous avons découvert que l’exposition des larves à de très faibles doses de produits chimiques provoquait des changements généralisés dans les processus physiologiques qui sont au cœur de leur développement et de leur comportement », explique Lautaro Gandara, premier auteur de l’article publié dans la revue Science.
« Ces changements ont été exacerbés lorsque nous avons augmenté la température des chambres de croissance de quatre degrés ; une décision née de l’idée que les températures mondiales ont augmenté et qu’elles pourraient avoir un impact sur la façon dont les pesticides affectent les larves. » Des changements de comportement similaires ont été observés par les scientifiques chez plusieurs espèces d’insectes, y compris les moustiques et les papillons.
Les scientifiques ont ensuite décidé de mélanger certains des produits chimiques les plus couramment détectés dans l’air, à des doses écologiquement pertinentes, en exposant à nouveau les drosophiles dès leur éclosion. « Nous avons alors constaté un effet beaucoup plus important », explique Justin Crocker, directeur de recherche à l’EMBL. « Nous avons observé une chute de 60 % des taux de ponte, ce qui laisse présager un déclin de la population. »
Sous l’effet de « cocktail » des produits, les scientifiques ont aussi observé « un recroquevillement plus fréquent », signe de stress ou d’inconfort en lien avec des problèmes neurologiques ou des processus physiologiques perturbés.
Biodiversité : Pour l’Académie des sciences, il faut « moins de phytos pour plus d’insectes » (12/02/2021)
De nouvelles connaissances sur les produits
Alors que de nombreux scientifiques de par le monde constatent des changements dans le comportement des insectes, dont les populations diminuent en moyenne de 2 à 3 % par an, cette étude souligne la contribution des produits chimiques, utilisés notamment en agriculture, dans le déclin des populations d’insectes dans le monde. « Les insectes — même ceux qui peuvent sembler nuisibles — sont essentiels pour la planète. Ils pollinisent les plantes que nous mangeons et constituent un élément important du réseau alimentaire », déclare Lautaro Gandara.
Le travail de l’EMBL a permis de produire de nouvelles connaissances sur les produits chimiques. Ainsi, les résultats de l’étude offrent selon ces scientifiques « des pistes pour améliorer l’évaluation de la sécurité des produits chimiques, la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire et la santé animale et humaine ».
(1) Par exemple : glyphosate, prosulfocarbe, flufénacet, chlorpyrifos, thialocpride, 1,4-dichlorobenzène, epoxiconazole, dodine…
(2) L’Institut Pasteur, l’Hôpital universitaire de Heidelberg et l’Université George Washington.