En 2005, les travaux de l’autoroute A28 entraînent un remembrement du parcellaire de Jérôme Morin. Des bordures, polluées par du ray-grass, se retrouvent alors au milieu de champs. « En quelques années, le matériel transporte les graines et les parcelles sont envahies », résume-t-il. Les fortes infestations augmentent les chances de sélectionner des résistances, comme Jérôme Morin l’a constaté : il utilise dans un premier temps un herbicide à base de sulfonylurées, à demi-dose. « Il fonctionnait très bien, mais des résistances sont apparues après quelques années. J’ai augmenté les doses jusqu’au maximum autorisé, puis ça n’a plus eu d’effet. C’est arrivé très vite », explique-t-il. L’agriculteur se tourne vers un autre produit au mode d’action différent. « Cette fois j’ai appliqué les bonnes doses pour éviter le même écueil, mais au fur et à mesure l’efficacité s’est usée. Les ray-grass se sont adaptés. »
Combiner les leviers
Face à l’érosion des solutions chimiques et au manque de nouveaux modes d’action, Jérôme Morin a modifié ses pratiques. Il combine les phytos avec de la lutte non chimique. Alors qu’il avait adopté des techniques culturales simplifiées (TCS) depuis 2003, un essai de labour sur une parcelle infestée de ray-grass s’est révélé probant. La charrue, utilisée ponctuellement, n’est néanmoins « pas la panacée », prévient Jérôme Morin. « Il y a deux ans par exemple, le labour n’a réduit que de moitié l’infestation sur une parcelle. Il aide, mais ne résout pas tous les problèmes. »
Le faux-semis est un levier intéressant, estime l’agriculteur, mais qu’il ne peut plus utiliser après un blé. Son exploitation étant en zone vulnérable, il est obligé d’implanter un couvert durant les intercultures. « Au début, il couvre bien le sol, mais une fois gelé, il laisse la place au ray-grass. » Il a également retardé ses semis de blé du 20 septembre au 15 octobre.
La rotation est essentielle. L’agriculteur envisage de cultiver deux cultures de printemps successives pour aider à maîtriser le ray-grass. Il cultive blé, colza, betterave, lin textile, pomme de terre et chanvre textile (depuis cette année), sauf sur ses parcelles éloignées où se succèdent blé, blé et colza. La distance rend difficile l’implantation des cultures industrielles, mais l’agriculteur constate les limites de sa rotation simplifiée sur le désherbage.
Par le biais d’un voisin, Jérôme Morin a également testé l’écimage, « intéressant en curatif ». « Une écimeuse, ou encore une herse étrille ou houe rotative, c’est du matériel qu’il faudrait avoir. Mais ces machines restent chères et demandent du temps pour un résultat qui n’est pas garanti », regrette-t-il.
Malgré ses changements de pratiques, la pression des ray-grass persiste. « Ma crainte, c’est que l’on n’ait plus de solutions dans cinq à dix ans. Il nous faudrait un nouveau mode d’action, sur lequel il faudra être vigilant pour limiter les résistances. En attendant, on fait avec ce qu’on a. »