« Depuis 40 ans, cette entreprise a manipulé la science, manipulé l’opinion publique », a lancé l’avocate d’Edwin Hardeman, 70 ans, qui affirme que son lymphome non-hodgkinien est dû au produit qu’il a utilisé pendant 25 ans. Malgré toutes les études scientifiques, « ils ont continué à vendre le Roundup et à gagner de l’argent avec, parce que c’est le but ultime de Monsanto », racheté l’an dernier par l’allemand Bayer.

Au jury de décider

« Rien n’a arrêté cette entreprise. […] Votre tâche est de dire : “Stop, ça s’arrête aujourd’hui” », a-t-elle dit aux jurés, leur enjoignant d’envoyer « un message fort et clair » au groupe qui a agi « avec malveillance » et de façon « méprisable ». Le jury, qui avait jugé la semaine dernière que le Roundup avait contribué au cancer d’Edwin Hardeman, a débuté ses délibérations au milieu de la journée.

 

À l’issue de cette deuxième phase du procès, ils doivent décider si Monsanto est responsable de la maladie du plaignant : le groupe connaissait-il ou aurait-il dû connaître les risques ? Aurait-il dû placer un avertissement sanitaire sur les bidons de désherbant ? Non, a répondu son principal avocat Brian Stekloff, combattant pied à pied les accusations.

Monsanto se défend

Les avocats du plaignant vous demandent « de croire que ces employés de Monsanto (qui ont témoigné au procès, NDLR) se lèvent le matin, prennent leur petit-déjeuner en famille, prennent leur voiture pour aller travailler chez Monsanto tous les jours et disent “vous savez quoi ? On va monter un complot pour provoquer des cancers” », a-t-il lancé aux jurés.

 

Monsanto a « agi de manière raisonnable, en se fondant pour la science », et a « mené de très nombreux tests » sur le glyphosate, le Roundup et ses adjuvants, a-t-il ajouté, réfutant toute responsabilité. Énumérant études et tests menés par la firme, il a nié que Monsanto ait « ignoré » volontairement certains résultats, « caché » des études au régulateur ou « manipulé » la science, autant d’allégations apparues plusieurs fois pendant le procès.

 

Entre sa mise sur le marché au milieu des années 1970 et 2012, date à laquelle Edwin Hardeman a cessé de l’utiliser, « aucun régulateur dans le monde, aucune organisation de santé » n’a jugé le Roundup cancérigène ni exigé un avertissement sur l’étiquette, a-t-il ajouté.

11 200 procédures en cours

L’enjeu est énorme pour Bayer, qui pourrait avoir à payer de gros dommages destinés à « compenser » le préjudice subi par le plaignant mais aussi à « punir » le groupe, selon les termes juridiques américains. Et au-delà de ce procès, Bayer fait face à quelque 11 200 procédures similaires rien qu’aux États-Unis.

 

Ce dossier « va encourager » d’autres « plaignants potentiels à entamer des poursuites », explique Carl Tobias, professeur de droit à l’Université de Richmond. Et si Bayer perd ce procès et plusieurs autres, « il lui faudra sérieusement réfléchir à un accord » amiable hors tribunaux pour solder les poursuites, ajoute-t-il, ce qui pourrait lui coûter des milliards de dollars.

 

Comme le plaignant a remporté la première phase des débats, pourtant censée être la plus difficile pour lui, « on peut supposer […] qu’une décision en faveur du plaignant est plus probable » que l’inverse à l’issue de la totalité du procès, estime Bob King, avocat de la firme Korein Tillery, qui défend régulièrement des personnes exposées à des produits chimiques.

 

Un deuxième échec serait un coup d’autant plus dur pour Bayer que lors d’un premier procès en août, il avait été condamné à verser 289 millions de dollars à un jardinier malade d’un cancer en phase terminale, une somme ensuite réduite par une juge à 78,5 millions de dollars.

Bayer a fait appel de ce jugement.