Le gouvernement a fait le choix des ordonnances pour réformer, économisant les débats parlementaires. Encore ne faudrait-il pas confondre vitesse et précipitation, et oublier de dialoguer avec les acteurs concernés par les réformes. Et dans le cas de la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires, les syndicats agricoles, les coopératives, les négoces ou encore les industriels de la protection des plantes ont découvert le pot aux roses lorsque le projet d’ordonnance leur a été présenté lors d’une réunion au ministère.

Le gouvernent estime qu’en interdisant à ceux qui apportent le conseil sur les produits phytopharmaceutiques de les vendre, il en réduira la consommation. Un rapport du CGAAER remis en 2013 a pourtant conclu que cette voie n’était pas la bonne, la mission y voyant « plus d’inconvénients que d’avantages ». Oui, mais voilà, ce serait une promesse de campagne du président à laquelle il n’est pas question de renoncer, charge aux agriculteurs de payer un consultant pour avoir le droit de lutter contre les maladies et les ravageurs dans leurs champs.

Cette idée de découpler le conseil et la vente, d’autres l’ont envisagée dans le secteur des médicaments vétérinaires, pour lutter contre l’antibiorésistance. L’analyse des systèmes couplant ou découplant la prescription et la vente d’antibiotiques n’a pas démontré l’efficacité d’un système par rapport à un autre en matière de réduction de consommation. En revanche, le découplage aurait déstabilisé le réseau vétérinaire en milieu rural, déjà fragile.

Il y a une différence entre les produits phytosanitaires et les antibiotiques : l’agriculteur n’a pas besoin d’un tiers qui pose un diagnostic pour savoir avec quelle molécule intervenir dans ses champs. Mais le projet d’ordonnance lui impose tout de même un audit annuel pour obtenir un justificatif, le sésame pour avoir le droit d’acheter des phytos. Rien ne garantit que l’intervention de ce conseiller réduirait la consommation des phytos.

Mais revenons au cas des antibiotiques. Le gouvernement devrait peut-être s’en inspirer. Ce sont les démarches volontaires des filières qui ont été payantes pour réduire la consommation. Et quitte à respecter une promesse de campagne, pourquoi ne pas se concentrer sur celle de la revalorisation du revenu des agriculteurs, en délivrant et en faisant appliquer les ordonnances sur le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions par la grande distribution avant la fin des négociations commerciales. Là, il y a une vraie urgence !