Alors que les particuliers et professionnels utilisateurs de produits pétroliers ont le sourire depuis un an, les multinationales spécialisées dans l’or noir et leurs raffineurs font grise mise. Cette baisse du prix a même des conséquences très lourdes pour les pays dont l’économie est totalement dépendante du pétrole. Ainsi, le revenu des pays de l’Opep est passé de 1 200 milliards de dollars en 2012 à 500 milliards en 2015. Le Venezuela est le plus durement touché. Bien qu’il soit assis sur 18 % des réserves mondiales de pétrole, ce pays d’Amérique du Sud est en rupture de paiement. Les États-Unis jouent les gros bras avec leur pétrole de schiste mais de nombreux petits opérateurs se sont déclarés en faillite en 2015 et plusieurs gros faiseurs sont proches de la rupture. La dette de la filière « schiste » américaine est estimée à 17 milliards de dollars.

Le faible prix stimule la consommation

La filière pétrole est malade de ses stocks. Chaque jour, 2 millions de barils ne trouvent pas preneur et viennent gonfler les stocks mondiaux. Les pétroliers ont donc recours à de vieilles recettes pour faire repartir les prix à la hausse sans diminuer la production : ils réduisent les investissements. Aux Etats-Unis, le nombre de rigs (plates-formes) est au plus bas depuis 2014, avec seulement 400 installations actives en mars 2016 contre 1 500 en janvier 2014. Parallèlement, les investissements mondiaux dans l’amont sont passés de 683 milliards de dollars en 2014 à 485 milliards de dollars en 2016, selon les estimations de l’Ufip (Union française des industries pétrolières).

L’autre bonne nouvelle pour les pétroliers est la relance de la demande dans des pays très fortement consommateurs comme les Etats-Unis. La baisse du prix du pétrole a permis aux Américains de bénéficier du carburant très bon marché qui leur faisait défaut depuis une dizaine d’années. Conséquence attendue, les ventes de grosses cylindrées sont reparties à la hausse et avec elles la consommation d’essence. Selon les statistiques du pétrolier Exxon, la demande en carburant en avril 2016 était déjà au niveau du pic de la driving season (saison de la conduite, c’est-à-dire entre le 4 juillet et le 4 août) de 2015. La demande américaine ne donne aucun signe de ralentissement et les pétroliers prévoient un pic record pour la driving season 2016. La hausse de l’utilisation de la climatisation au Moyen-Orient à partir du mois de juin, qui représente environ 1,2 million de barils/jour, va faire évoluer la demande dans le même sens.

1 million de barils/j perdus au Canada

Si le réajustement de l’offre et de la demande explique une remontée du prix du baril de 26 à 50 $, son intensité a été plus importante que prévu en raison d’événements non planifiés. Au Canada tout d’abord, les incendies dans l’Alberta ont perturbé l’extraction et l’acheminement du pétrole. Cet État concentre une grande partie des gisements du pays et BP estime la baisse de production liée aux incendies à un million de barils/jour. La situation devrait revenir à la normale après l’été.

En revanche, il n’y a aucun signe d’amélioration du côté du Nigeria, où la production pétrolière est perturbée par les mouvements rebelles au Nord et la piraterie sur les pipelines au Sud. Selon les estimations de Total et BP, la production nationale sera au moins divisée par deux en 2016, passant de 2,2 à 1,1 million de barils/jour. Le Nigeria abandonne par la même occasion sa position de leader pétrolier de l’Afrique au profit de l’Angola, qui a produit 1,8 million de barils/jour en 2015 et connaît une hausse de l’extraction de 6,8 %. La situation est aussi très instable en Libye et en Irak, où il est encore difficile de faire des prévisions de production.