Les formations à l’écoconduite, fortement plébiscitées par les agriculteurs et les entrepreneurs il y a quelques années, ne font plus le plein. Avec un GNR autour de 75 centimes pour les grosses commandes, l’économie de carburant n’est plus la priorité. Pourtant, nombre d’agriculteurs sont conscients de la réduction des charges de mécanisation en 2015, engendrée par le prix attractif du GNR. Les utilisateurs de fioul domestique (FOD) comme les irrigants et les propriétaires de groupes électrogènes sont les plus grands bénéficiaires de la chute du prix du baril, puisque ce carburant est devenu l’énergie la plus compétitive en 2015, avec un prix moyen inférieur à 6 euros pour 100 kWh. Éleveurs hors-sol et serristes qui chauffent au gaz ont aussi profité de cette baisse mais elle ne rattrape pas l’augmentation spectaculaire amorcée en 2009.

La consommation de gazole en France a progressé de 0,8 % en 2015 par rapport à 2014. Les livraisons de GNR, qui représentent 4,3 millions de tonnes, soit 11 % de la consommation totale de gazole, ont progressé dans les mêmes proportions. Le FOD a connu une hausse plus importante, avec 1,6 % d’augmentation en un an.

Un produit taxé à 200 %

Selon l’Ufip et ses adhérents raffineurs, les prix des carburants, en particulier du gazole, pourraient fortement augmenter dans les années à venir. Le syndicat pétrolier estime que le litre de gazole à la pompe passerait de 1,02 € en 2016 à 1,80 €, notamment en raison du rééquilibrage de fiscalité entre l’essence et le gazole. L’Ufip rappelle qu’entre 2015 et 2016, le prix du gazole à la pompe n’a baissé que de 4 %, alors que celui du produit brut hors taxes a diminué de 34 %, passant de 0,53 €/l à 0,35 €/l.

La raison est à chercher du côté des diverses taxes qui frappent le carburant. Ces dernières ont augmenté de 66 % entre mars 2015 et mars 2016. Pour le gazole routier, elles représentent 200 % du prix de base (voir infographie ci-contre). Le niveau de taxation se situe autour de 100 % pour le GNR. La fiscalité du gazole est votée dans la Loi de finances jusqu’en 2017. L’évolution cumulée de la TICPE et de la TVA sera donc limitée jusqu’à l’an prochain.

Au-delà de cette date, il faudra intégrer les objectifs de la Loi de transition énergétique, notamment au niveau de la taxe carbone. Les raffineurs craignent que l’augmentation de taxe liée à la LTE atteigne 34 centimes/litre d’ici à 2030. Si le carburant agricole bénéficie d’un allègement de taxes et de TVA par rapport au gazole à la pompe, il n’échappe plus depuis cette année à la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

En Allemagne, certains agriculteurs commencent à se plaindre de la détaxation du GNR en France. Eux qui paient leur carburant au même prix qu’à la pompe avancent l’argument d’une distorsion de concurrence. Reste à savoir si Bruxelles aura envie d’ouvrir la boîte de Pandore à ce sujet.

La France, poids lourd du biodiesel

S’il y a une catégorie d’agriculteurs qui n’a pas de raison de se réjouir de la baisse du prix du baril, c’est celle des producteurs de colza. En effet, depuis le développement de la filière biodiesel, le cours du colza est directement lié à celui de l’or noir. La France est l’un des poids lourds de la production de biocarburant et se place au quatrième rang derrière les Etats-Unis, le Brésil et l’Allemagne. Avec 2,5 millions de TEP produites en 2015, la production hexagonale représente 3,5 % de la production mondiale, loin derrière les 41 % américains et 23,6 % brésiliens mais à un niveau proche de celui de l’Allemagne (4,2 %). Aux États-Unis et au Brésil, l’essentiel de la production de biocarburant (90 %) est consacré à l’éthanol, même si on assiste à un développement du biodiesel. Une production qui correspond au parc automobile du continent, composé en majorité de véhicules à allumage commandé. Pour l’Europe et la France en particulier, l’essentiel de l’effort est tourné vers le biodiesel. La production de biocarburants a progressé de 300 % en dix ans et le biodiesel représente plus de 80 % du total.

Une proportion qui augmenterait avec l’obligation d’incorporer 3,85 % de biodiesel dans le GNR depuis le 1er janvier 2016. Décision qui découle directement de la Loi de transition énergétique et qui fait grincer des dents dans les régions froides où les esters méthyliques (EMAG) contenus dans le biodiesel sont accusés de rendre le GNR pâteux en dessous d’une certaine température. Toute une filière de distribution de GNR garanti sans Emag s’est même développée suite aux déboires rencontrés au cours de l’hiver 2012, lors de la première mise en circulation de ce carburant. Il faudra donc être vigilant lors de l’hiver 2016.

Se former à l’écoconduite

Cette incorporation obligatoire de 3,85 % ne satisfait pas encore les industriels de la filière biodiesel, qui souhaitent imposer une proportion obligatoire de 7,7 % dans le GNR. Cet objectif prendrait forme d’ici à 2017. En attendant, les distributeurs qui utilisent déjà 7,7 % de biodiesel seront exonérés de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

L’avenir n’est donc pas si rose pour le carburant agricole et les conseillers en machinisme recommandent d’anticiper le retour à un GNR plus cher et de se former à l’écoconduite. Des chambres d’agriculture et centres de formation proposent des sessions de plusieurs heures ou quelques jours et font parfois un bilan directement sur l’exploitation. Pour les agriculteurs employeurs de main-d’œuvre, les ETA et les Cuma avec chauffeur, c’est aussi l’occasion d’ajouter une corde supplémentaire à l’arc des salariés.

Le développement de la télématique offre de nouveaux outils pour contrôler la consommation de carburant et les performances des chauffeurs en eco-conduite. Chez Claas, on met en avant des challenges entre chauffeurs au sein d’ETA. A la fin de la moisson, l’entrepreneur compile les données relevées pour déterminer le pilote qui a le moins consommé à la tonne récoltée. Le vainqueur est gratifié d’une prime.Une technique qui motive à suivre une formation à l’ecoconduite.