Interrogés sur la raison de la baisse du prix du pétrole, les experts d’Exxon et BP, qui publient chacun de leur côté un ouvrage annuel de référence sur l’énergie, sont unanimes : la Chine. Et particulièrement le ralentissement de la croissance chinoise. Face à une croissance au point mort en Europe et en Amérique du Nord, c’est l’Asie qui donne le ton, en particulier l’ogre chinois. En 2015, la consommation mondiale d’énergie n’a progressé que de 1 %, contre 1,9 % en moyenne sur les dix dernières années. Les économies émergentes contribuent à hauteur de 97 % à cette croissance. Pour les analystes de Deloitte, la boulimie de matières premières et d’énergie de la Chine au cours des cinq dernières années a contribué à une hausse anormalement élevée des cours. Le réajustement de 2015 avec le coup de frein sur le secteur de la construction et des transports montre que l’empire du Milieu fait la pluie et le beau temps sur la demande énergétique mondiale.
Evolutions technologiques
Parmi les facteurs de baisse de la demande, l’Ufip insiste sur l’importance des évolutions technologiques, notamment dans le domaine du transport. La demande française en produits pétroliers est ainsi passée de 89 millions de tonnes (Mt) en 2000 à 75 Mt en 2015. Pour Françis Duseux, président de l’Ufip, l’efficacité énergétique des véhicules et des installations domestiques explique cette réduction de la demande. Même s’il reste pour le moment marginal, le développement des véhicules hybrides voire 100 % électrique va avoir un impact sur la consommation de produits pétroliers. Plus que les constructeurs automobiles traditionnels, raffineurs et groupes pétroliers suivent de près les nouveaux acteurs du véhicule électrique comme Tesla, qui commencent à gagner des parts de marché avec des voitures au concept nouveau.
Désaccords entre membres de l’Opep
Le dernier facteur de maintien d’un prix bas est la mésentente entre les membres de l’Opep. En témoigne une réunion de crise qui s’est tenue dimanche 17 avril à Doha (Qatar) entre des pays producteurs membres de l’Opep. Quatre pays non-membres (Russie, Azerbaïdjan, Colombie et Oman) participaient également à ces négociations. L’objectif était de parvenir à un accord afin de geler la production de brut jusqu’en octobre pour accélérer la remontée des prix. Mais les préoccupations économiques sont passées au second plan derrière les divergences entre les deux poids lourds de la région, l’Arabie Saoudite et l’Iran. Ce dernier, qui avait boycotté la réunion, entend profiter de la levée de l’embargo international qui le frappe depuis plusieurs années pour retrouver sa part de marché. De son côté, l’Arabie Saoudite a précipité l’échec des négociations en refusant de geler sa production tant que l’Iran n’en fera pas autant.
Certains pays comme la Russie et le Venezuela, dont l’économie très dépendante du pétrole est en train de vaciller, ont prévu d’augmenter encore leur production afin de se refaire sur les volumes. La Russie devrait produire 6 millions de tonnes supplémentaires et le Venezuela veut augmenter son volume d’exportation de 20 %. De son côté, l’Iran est déjà revenu à un niveau de production proche de 4 millions de barils/jours et veut atteindre 5 millions rapidement. Un objectif qui nécessite cependant des investissements importants dans les infrastructures. Selon Bob Dudley, chef exécutif du groupe BP, l’Opep n’a de toutes façons pas intérêt à laisser les prix trop s’apprécier car les Etats-Unis pourraient alors reprendre des parts de marché avec leur pétrole de schiste. L’objectif des poids lourds de l’Opep est de pousser à la faillite les opérateurs qui ont un pétrole cher à extraire, quitte à mettre en difficulté certains membres du cartel.