Très attendue, la présentation de ce « cadre financier pluriannuel » donnera le coup d’envoi de négociations budgétaires, aussi longues que tendues, entre les Vingt-Sept pays membres de l’Union européenne. Les discussions pourraient durer plus de deux ans, jusqu’à la fin de 2027.

Avec un sujet inflammable : l’avenir de la politique agricole commune (Pac). Actuellement, elle représente le premier poste budgétaire de l’Union européenne avec 387 milliards d’euros sur sept ans (2021-2027), dont 270 milliards d’aides directes aux agriculteurs.

La crainte du coup de rabot

Sans toucher à ces paiements directs, la Commission européenne pourrait envisager de raboter le reste de l’enveloppe (développement rural…) en raison de contraintes budgétaires de plus en plus pressantes. La profession montre déjà les muscles. « J’ai un tracteur et je suis prêt » à manifester, a lancé l’Italien Massimiliano Giansanti, président du Copa (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne). Une marche est prévue le 16 juillet 2025 devant la Commission, à Bruxelles, pour mettre la pression.

Il y aura « une proposition de montant sur la table, à négocier. Comme d’habitude, tout se finira par cinq jours de négociations au Conseil européen » entre les États membres, nuance un fonctionnaire européen.

Conserver ou pas un budget spécifique

Autre enjeu, l’architecture budgétaire qui sera proposée. La Pac conservera-t-elle un budget spécifique ou l’un de ses volets sera-t-il intégré à des fonds plus larges sur la cohésion des territoires, avec une répartition à la main des États ? Le débat a agité la bulle bruxelloise ces derniers mois.

Selon plusieurs sources européennes, la tendance serait plutôt de préserver l’architecture actuelle, mais l’arbitrage remonte au plus haut niveau, chez Björn Seibert, le puissant chef de cabinet de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Un flou généralisé à Bruxelles

« Personne n’est informé des annonces qui vont être faites, ni les agriculteurs, ni les parlementaires, ni même les commissaires », affirme l’eurodéputée Céline Imart (PPE, droite), engagée sur les questions agricoles. Les agriculteurs ont déjà lancé une pétition contre toute remise en cause du budget dédié. Le gouvernement français est également farouchement opposé à l’éventuelle fusion de la Pac avec d’autres fonds.

Si c’est le cas, le budget sera « raboté de mois en mois au gré des diverses priorités du moment », estime la ministre française de l’Agriculture, Annie Genevard, dans La France Agricole.

Selon elle, le commissaire européen à l’Agriculture, Christophe Hansen, subit de « fortes pressions » budgétaires, car la liste des dépenses de l’Union européenne s’allonge — remboursement de l’emprunt commun pendant le Covid, financement de la défense —, tandis que des États membres sont réticents à aller chercher des ressources supplémentaires pour l’Union.

La Pac, enjeu des mois à venir

Mercredi, la Commission européenne ne s’avancera probablement pas sur la réforme des versements de la Pac. Mais ce sera l’un des grands enjeux des mois qui viennent. En septembre, un rapport commandé par Bruxelles plaidait pour une « aide au revenu beaucoup plus ciblée » vers les agriculteurs « qui en ont le plus besoin », suggérant de mettre fin au calcul actuel en fonction de la taille des exploitations, les « aides à l’hectare ».

Depuis, Christophe Hansen s’est efforcé de rassurer la profession. « Toutes les exploitations » qui bénéficient d’aides de la Pac aujourd’hui « continueront à être aidées » en 2028-2034, avait-il assuré auprès de l’AFP, sans s’engager sur les montants. Mais « on doit davantage aider » à entrer dans la profession, parce qu'« il y a un manque de jeunes qui reprennent des fermes », avait-il ajouté. « Le tout dépendra de l’enveloppe » globale du futur budget européen, soulignait le Luxembourgeois.

Des voix pour la fin de l’aide à l’hectare

De leur côté, les organisations environnementales combattent depuis des années « les aides à l’hectare », qu’elles considèrent comme un cadeau pour les « fermes-usines ». Les écologistes et la gauche demandent un plafonnement des aides en fonction des revenus des exploitants. Les agriculteurs multiplient, quant à eux, les mises en garde et réclament un « budget dédié et accru » pour la Pac.

La Commission européenne reste marquée par le mouvement de colère agricole du début de 2024, qui l’avait conduite à multiplier les gestes à l’égard de la profession, dont un plan présenté à la mi-mai 2025 pour simplifier la Pac actuelle en allégeant les règles environnementales.

Les députés européens prennent position

Le 7 juillet 2025 la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen a elle aussi apporté sa contribution au débat avec ses lignes rouges. « Les députés demandent par conséquent un budget de la Pac plus important et distinct, ont-ils voté. La Pac ne doit pas être intégrée à d’autres programmes de financement au sein d’un fonds unique, ni devenir partie d’une enveloppe globale utilisée par les États membres à d’autres fins. »

Les députés de la commission ont également appelé à « renforcer les financements issus de la Pac et augmenter le nombre d’incitations fiscales et de prêts afin de lever les obstacles à l’installation des agriculteurs » ou encore à « des solutions innovantes et numériques qui soutiennent l’agriculture durable, augmentent leurs revenus et réduisent la charge administrative ».