
À quoi ressemblera la prochaine mouture de la Pac ? Pour répondre à cette question, le commissaire à l’Agriculture, Christophe Hansen, a donné un indice. « Le lien entre le paquet de simplification présenté au printemps et la prochaine réforme, c’est que nous passons progressivement des conditions aux incitations. » En attendant d’en savoir plus à la mi-juillet (lire l'encadré), les organisations syndicales agricoles ont positionné ce dossier en haut de la pile et ajustent leurs propositions. S’il y a une ligne rouge à ne pas franchir, c’est celle du maintien d’un budget affecté à la Pac et renforcé. Sur les autres volets, des divergences émergent, notamment sur la question de l’aide à l’hectare et du ciblage des soutiens.
Hectares ou actifs
À la Confédération paysanne, la future Pac idéale serait celle de « la régulation des prix et des marchés », avec, par exemple, l’instauration de prix d’intervention, du retour du stockage public et un Egalim européen, propose Nicolas Fortin, éleveur et secrétaire national du syndicat à La France Agricole. La Pac ciblerait les aides « vers ceux qui en ont le plus besoin » via un plafonnement et « plus d’aides à l’actif et moins d’aides à l’hectare », avance Nicolas Fortin.
Il estime que la redistribution à l’actif permettrait une « meilleure répartition », en particulier pour les exploitants avec des petites surfaces en arboriculture et maraîchage. Enfin, le secrétaire national veut une Pac qui aiderait « à la transition agricole », constatant que les écorégimes actuels « ne fonctionnent pas ». En revanche, il enjoint à réintroduire l’aide au maintien à la bio et à conserver les mesures agroenvironnementales et les aides aux zones défavorisées comme l’ICHN, pour « pallier les inégalités naturelles ».
Le Modef préfère aussi les aides à l’actif aux aides à l’hectare. « On arrive au bout des DPB », estime son secrétaire général, Nicolas Guitard. Accusant la Pac actuelle d’alimenter « l’hémorragie du nombre des actifs agricoles et la course à l’agrandissement » , il souhaite un soutien en faveur « des petites exploitations d’une seule personne » grâce à un plafonnement des aides à 50 000 € par actif.
« Dans l’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire », les fonds dégagés par ce plafonnement seraient orientés vers des aides à la production « plus ciblées », explique-t-il, en priorité en faveur de l’élevage. Le syndicat plaide également pour davantage de budget en faveur des mesures agroenvironnementales, de l’agriculture biologique, de l’ICHN et du doublement de la dotation au jeune agriculteur. Défendant l’instauration de prix planchers pour toutes les productions, Nicolas Guitard souhaite également le retour du stockage public au niveau européen.
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Agriculteur actif et productif
Pour Franck Sander, vice-président de la FNSEA, la Pac doit maintenir « sa vocation économique [grâce à] un lien direct avec la production », et ne pas être « liée à des contraintes environnementales ». La FNSEA défend aussi sa position sur des « aides à l’hectare » avec des critères d’accès « le plus simple possible ». Le syndicat la justifie par la crainte de voir le budget français de la Pac réduit avec un calcul à l’actif.
Franck Sander plaide pour une enveloppe de 60 milliards d’euros, dont les contours sont encore à déterminer par le syndicat, « pour faire face aux besoins d’investissement » des agriculteurs, sur des sujets liés à la recherche comme la génétique animale et végétale, l’agriculture de précision ou les nouvelles technologies.
De son côté, Jeunes Agriculteurs (JA) a déjà formulé ses propositions dans un document de plus de vingt pages, publiés lors du congrès annuel du syndicat le 5 juin dernier. « Les aides de la Pac doivent être ciblées vers les agriculteurs actifs, formés et productifs », a poussé le président de JA, Pierrick Horel, lors de son discours de clôture.
JA propose de durcir la définition de l’agriculteur actif et d’introduire une notion de « productivité minimale », pour exclure ceux qui « ne produisent pas ou peu » et aussi de faire en sorte qu’une personne ne puisse être reconnue « agriculteur actif » qu’une seule fois. Les gérants de plusieurs structures ne pourraient bénéficier du paiement redistributif que sur un seul plafond de 52 ha. Si la disparition totale des aides à l’hectare n’est pas envisageable, le syndicat propose de simplifier le mécanisme en mettant fin aux références historiques et au système de droits attribués par la réserve. Il propose que la même aide soit attribuée à tous les hectares admissibles et l’application d’une dégressivité à partir d’une certaine surface ainsi qu’un plafond. Le montant des aides publiques perçues (hors aides à l’investissement, conjoncturelles, fonds d’urgence, à l’installation ou à la transmission) serait plafonné aux produits de l’exploitation, sauf pour les jeunes installés.
Le syndicat des jeunes appelle à l’augmentation du montant de l’aide complémentaire au revenu du jeune agriculteur (ACJA), « afin d’assurer un revenu minimum qui permette la prise de risque et l’investissement ». Il demande un renforcement du montant des aides à l’installation et à l’investissement et une prise en charge de l’accompagnement humain du cédant. Il propose aussi la création, sur le modèle de l’ICHN, d’une indemnité compensatoire de l’impact climatique, destinée à compenser financièrement les surcoûts de production, les baisses de rendement ou les phénomènes sanitaires, et conditionné à l’engagement dans un contrat d’avenir, qui aura pour ambition « d’accompagner l’agriculteur dans l’évolution de son système de production ou dans une démarche de diversification ».
Renouvellement des générations
Le renouvellement des générations est aussi en haut de la liste des priorités pour la Coordination rurale. « Si cet élément n’est pas pris en compte dans la nouvelle Pac, ce serait un renoncement », explique sa présidente Véronique Le Floc’h. Autre objectif déclaré, une autre approche de la réserve de crise. « Une enveloppe de 4 milliards ne serait pas de trop pour faire face à tous les aléas », appuie la syndicaliste. « On ne peut pas nous faire croire que quelques centaines de millions vont nous protéger et nous aider. » Elle souhaiterait en outre qu’une partie des montants soient utilisés de façon préventive pour « accompagner au lieu de guérir », avec une pique lancée aux programmes opérationnels, un « système administratif qui fait vivre des organisations » et dont certaines profitent peut-être autant que les agriculteurs, estime la présidente. La Coordination rurale reste par ailleurs attachée au paiement par hectare et non à l’actif « qui ne serait pas bénéfique à la France ».
Véronique Le Floc’h espère voir un retour à la régulation des productions. « La gestion des risques, elle passe aussi par la formalisation dans la future Pac de la gestion des volumes et de la baisse de certaines productions », avance-t-elle, notamment en retrouvant « un équilibre dans nos productions et donc ne pas faire seulement celles qui vont aller à l’exportation ». Dernière revendication, une baisse de la pression environnementale sur les agriculteurs. « Nous avons toujours dit que certaines conditionnalités n’ont pas besoin d’être inscrites dans la Pac. La rotation des cultures, c’est évident par exemple », cite-t-elle.
Si toutes ces propositions des syndicats ne seront pas retenues, une chose reste certaine, le budget alloué à la prochaine Pac déterminera la capacité à mettre en œuvre ou pas des mesures à la hauteur des enjeux.