Les images ont frappé les esprits. Des rivières encombrées de branches, des ponts emportés par les souches, des plages enfouies sous des troncs. Et partout, une terre boueuse qui se dérobe. En Nouvelle-Zélande, le cyclone Gabrielle, l’an dernier, a fait ressurgir les débats sur la production forestière en étalant partout ses déchets, les rémanents de pins si prisés.

Le débat sur la plantation d’arbres enfle alors. « On peut faire beaucoup d’argent, c’est sûr, mais la question n’est pas de faire beaucoup d’argent, c’est de faire de bonnes choses », enrage James Cate, à la tête d’une exploitation de vaches et de moutons, à Wainuioru dans la région de Wellington.

Lui-même profite un peu de la politique du gouvernement en la matière. « Quelques crédits carbone s’accumulent sur mon compte », lâche-t-il sans prêter attention à leur montant, ajoute celui qui combat cette évolution de l’équilibre économique et environnemental néo-zélandais au sein de l’association 50 Shades of Green.

Une industrie lucrative

Car depuis 2019, l’Etat incite fortement à la plantation d’arbres afin d’atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Les entreprises ayant une activité en Nouvelle-Zélande peuvent compenser l'entièreté de leurs émissions de gaz à effets de serre par des crédits carbone issus de projets locaux de reboisement. En cinq ans, le pays compte 175 000 hectares boisés de plus. Essence d’arbre privilégié : le pin de Monterey, qui pousse vite et capture cinq à dix fois plus de carbone que les espèces locales.

Le secteur pèse désormais pour 3,7 milliards d’euros d’exportation chaque année et s’attend à une augmentation avec l’arrivée à maturité prochaine des nouvelles forêts. L’industrie revendique aussi 40 000 emplois.

« Ce n’est pas eux qui financent les communautés », peste de son côté James Cate, qui ne voit pas de travailleurs du secteur habiter dans les villages, faire vivre les commerces, payer les impôts locaux pour l’entretien des routes et des écoles. L’éleveur craint aussi un retournement de politique. « Quand ils auront fait plein d’argent, dans 60 ou 70 ans, ils vont partir définitivement et ça va être un sacré bordel », prédit-il.

Des terres agricoles grignotées

Un avertissement que partage, de façon plus policée, le commissaire parlementaire pour l’environnement Simon Upton qui, en juillet, prévenait dans un rapport : « Les générations futures hériteront d'un domaine forestier considérablement élargi qui devra être entretenu à perpétuité. »

En attendant, les forêts grignotent sur les terres agricoles, de 50 000 hectares environ chaque année, selon le syndicat professionnel Beef + Lamb. Parmi les solutions avancées, on trouve la limitation des compensations possibles pour les entreprises ou le fait de privilégier les essences d’arbres endémiques. Mais le gouvernement avance sur un chemin de crête, entre les objectifs de neutralité carbone et la soutenabilité pour l’écosystème, environnemental et économique.