Alors que la moisson se termine dans la plaine alsacienne, une machine avale les hectares à une vitesse déconcertante. En plus d’être munie d’une étrange coupe, elle laisse derrière elle les tiges des céréales debout. Pourtant pas de doute, les épis sont bien récoltés. Ce va-et-vient intrigant, c’est la machine de Mathieu Rothenflue. Elle est équipée d’une barre de coupe de type stripper, une solution qui ne récolte que les épis de la plante et laisse les pailles intactes. En évitant de faire passer les pailles dans sa machine, Mathieu augmente son débit de chantier tout en réduisant sa consommation à l’hectare.

Le stripper de la marque Shelbourne Reynolds, travaille sur 8,40m, à plus de 10km/h. (© Pierre Peeters)

Une moisson à plus de 10 km/h

Chauffeur de moissonneuse-batteuse depuis près de 40 ans, Mathieu est également entrepreneur de battage depuis six ans dans le Haut-Rhin. « En Alsace la moisson des céréales est très rapide, il faut être chez tout le monde le même jour. Je cherchais donc une solution pour récolter plus vite, sans avoir à utiliser une deuxième moissonneuse. » Plutôt que de multiplier les machines, Mathieu a choisi d’augmenter le débit de chantier de sa batteuse. Pour cela, il a fait le choix radical, avec le stripper, de ne récolter que les épis et donc de ne plus passer la paille dans la moissonneuse.

« Je connaissais la technique depuis longtemps et ça fait plusieurs années que j’en cherchais un. C’est finalement un peu par hasard que tout s’est débloqué. J’ai eu le bon contact et la machine est arrivée pour la campagne 2023 », retrace Mathieu. Le choix de l’entrepreneur s’est porté sur le CVS 28 de la marque britannique Shelbourne Reynolds, un modèle de 8,4 m de large, « 1,80 m de plus que ma barre de coupe classique ». Le stripper est ici monté sur une Claas Lexion 560, une machine à 6 secoueurs.

Après le passage du stripper, les tiges sont intactes, il ne manque que l'épi. (© Pierre Peeters)

« Avec mon ensemble, je moissonne à plus de 10 km/h. En fonction du chantier et si je peux vider la trémie en roulant, j’atteins les 8 ha/h, contre 2 ha/h avec ma coupe classique. Dans une bonne journée, je moissonne donc 80 hectares, », se félicite l’entrepreneur. Cette année, il a battu les blés de ses clients en 2 jours. Avec son stripper, Mathieu peut récolter différentes cultures comme l’orge ou le soja, mais il reconnaît qu’il ne peut pas tout faire. « Les limites c’est le colza, le tournesol et bien sûr le maïs ». Il a donc conservé sa barre de coupe classique. « Elle me sert aussi pour certains clients encore réticents à la technique. »

Un rotor à peignes

Si le système de coupe stripper n’est pas une nouveauté, il est peu répandu en Europe de l’ouest. Son principe est assez simple. La coupe est composée de deux organes en mouvement. Le premier est un rotor tournant en sens inverse de l’avancement. Il est muni de 8 rangées de peignes métalliques qui vont cueillir les épis et laisser la tige sur place.

Le rotor du stripper est composé des 8 rangées de doigts. Suivant leurs sens de montage, ils sont plus ou moins agressifs. (© Pierre Peeters)

La force centrifuge envoie ces épis vers l’arrière de la coupe, où une vis sans fin va les recentrer jusqu’au convoyeur de la moissonneuse-batteuse. Tout est entraîné mécaniquement, via la prise de force du convoyeur. Un variateur à courroie permet de modifier la vitesse du rotor depuis la cabine, de 380 à 990 tr/min. « Pour les céréales à paille je l’utilise pratiquement au maximum. En revanche pour des cultures comme le soja, je réduis sa vitesse à 400 tr/min, afin de limiter l’aspiration de pierres ou de terre ».

Un petit boitier en cabine permet de modifier la vitesse du rotor en fonction des cultures. (© Pierre Peeters)

Une gestion des pailles bien rodée

L’une des problématiques engendrée avec cette stratégie est la gestion de la paille. Mathieu propose deux solutions. Pour ceux qui veulent l’exporter, l’entrepreneur utilise une faucheuse à sections. La machine est attelée sur le relevage avant du tracteur et un andaineur à rotors est placé à l’arrière. « Je travaille sur 8,40 m à plus de 10 km/h, le débit de chantier est élevé et la demande de puissance est faible. En plus je peux couper à 4/5 cm de hauteur, je sors donc plus de paille à l’hectare », argumente Mathieu. Dans le cas d’un agriculteur souhaitant conserver les chaumes, il passe simplement un coup de rouleau. « Chez moi je sème les couverts à la volée 2 semaines avant récolte et je roule après récolte. »

Pour couper les pailles, Mathieu utilise une faucheuse à sections de 8,40m de large, placée à l'avant du tracteur. (© Mathieu Rothenflue)

Mathieu l’assure, « même avec le passage du rouleau ou de la faucheuse en plus, le coût du chantier reste très intéressant. D’ailleurs, quand j’utilise le stripper, je facture à l’heure. Les clients sont souvent dubitatifs mais au final tout le monde s’y retrouve », assure l’entrepreneur qui a été prêt à débourser 71 000 € pour investir dans cette solution.