Au 30 juillet, la moisson n’était pas terminée dans le nord de la France : il restait par exemple environ 40 % des orges de printemps et blés en Champagne Ardennes. Mais l’état des lieux national est clair : la moisson 2024 est marquée par un net retrait des rendements, et une qualité altérée. Les excès de précipitations et le manque d’ensoleillement auront laissé des traces.

Entre les mauvais résultats et des prix sous pression, le moral est bas. Certains vivent « un nouveau 2016 » même si globalement, rendements et qualités restent meilleurs que lors de cette année noire. Toutefois à l’échelle nationale, Argus Media estime que le scénario d’une récolte française de blé tendre « bien plus faible que les 27,6 millions de tonnes de 2016 est désormais acquis » : pour la céréale reine, les surfaces ont reculé de plus de 10 % sur un an.

Blé tendre : rendements et PS en berne

Les rendements du blé tendre sont jugés « très moyens », « mauvais », « extrêmement décevants », voire « catastrophiques » par les opérateurs contactés : -10 % à -25 % par rapport à la moyenne selon les zones. Seuls certains territoires dans le sud s’en sortent avec des potentiels plus élevés que d’ordinaire. « Pour toutes les cultures, il y a des nuances importantes en rendement, avec beaucoup d’hétérogénéité », souligne un opérateur dans le Centre. Plusieurs facteurs sont avancés sur le terrain : l’étalement des dates de semis, les variétés plus ou moins sensibles aux maladies, et le type de sol. La situation est en général moins défavorable pour les sols filtrants : ce sont les sols profonds qui ont, en proportion, le plus souffert de la pluviométrie exceptionnelle.

Côté qualité, les poids spécifiques des blés font globalement grise mine. S’ils se tiennent du côté du Centre et qu’ils sont corrects à bons dans plusieurs zones méridionales, ils sont « un peu limite » en Nouvelle-Aquitaine, et « très affectés » en Alsace, avec certains lots en dessous de 72 kg/hl. « Les premiers blés faisaient 77 kg/hl, mais cela a baissé au fur et à mesure des pluies », retrace-t-on sur place. En Champagne Ardenne, ils sont aussi « très mauvais, un peu en dessous de 74 kg/hl » ; les derniers lots rentrés passent sous les 73 kg/hl. Nombreux sont les organismes stockeurs à nous souligner que les volumes collectés nécessiteront un travail d’allotement important. Certains nous indiquent avoir abaissé le seuil de tolérance pour limiter les déclassements ou réalisé des lots spécifiques. Le taux protéique est souvent correct, voire un peu plus hauts que la moyenne : une maigre consolation au regard des PS. Mais bien que les rendements soient en retrait, l’effet de concentration en protéines dans les grains est loin d’être systématiquement observé. Dans les Pays de la Loire, le taux moyen se situe autour de 11 %. Par endroits, comme en Nouvelle-Aquitaine, il est même « vraiment limite, à peine à 10,5 % ». En blé dur, on nous signale « pas mal de mitadin » dans le bassin de production sud-est. Le sud-ouest est moins touché, tout comme les zones plus septentrionales.

Même déception en orges

En orge d’hiver et de printemps, les rendements sont en retrait dans les mêmes proportions que le blé. En escourgeons, les PS sont « atypiquement bas » en Rhône Alpes, atteignent à peine à 60 kg/hl côté Dordogne, mais sont « plutôt corrects » (63-64 kg/hl) en Pays de la Loire. Pour le débouché brasserie, il faut s’attendre à des déclassements pour cause de calibrage ou de taux protéiques. Localement cependant, comme dans l’est de la France, le taux protéique moyen est « en limite haute » pour cette filière.

Pour toutes les céréales à paille, la campagne se caractérise par une pression maladies élevée (septoriose, rouille, ramulariose, JNO…). « Pour certaines variétés, on n’a pas réussi à les maîtriser. Certaines ont perdu leur feuillage très rapidement », relate un opérateur en Champagne Ardenne. Il estime que les effets variétaux sont beaucoup plus marqués cette année que d’habitude. Les programmes fongicides n’ont parfois pas pu être faits à temps, ou n’ont pas été suffisants malgré un renforcement, comme en Aquitaine ou en Lorraine. Dans cette région, la protection a toutefois « sauvé les meubles », et a permis de ne pas perdre 15 à 20 q/ha supplémentaires. Les maladies ont surtout dégradé la qualité physique, mais pas sanitaire. Très peu de problèmes de mycotoxines sont signalés, et les temps de chute de Hagberg sont bons, traduisant une absence de germination.

Colza : la « moins mauvaise surprise »

« Le colza est une plante de compensation, mais qui n’aime pas l’eau », schématise-t-on du côté de l’Alsace. Le rendement y est « correct, dans la moyenne basse », ce qui est « plutôt une bonne surprise ». En Aquitaine, si les premiers colzas récoltés n’étaient pas très bons, « à peine 20 q/ha », les derniers étaient mieux implantés et certains ont atteint 35 voire 40 q/ha. Finalement, la récolte y est « dans la moyenne ». En région Paca, l’année est « plutôt positive », avec une bonne valorisation de l’azote. Dans le centre de la France toutefois, « c’est la catastrophe », rapporte un opérateur, qui estime à 23 q/ha le rendement moyen sur son secteur, contre 33-34 q/ha en 2023. Les résultats sont « très hétérogènes, allant de 8 à 35 q/ha ». Le constat est très similaire dans les Pays de la Loire. Les écarts sont également marqués en Rhône Alpes, allant de 15 à 55 q/ha. Mais avec une moyenne autour des 33-34 q/ha, le colza est « moins décevant que les pailles ». Globalement, comme le résument des opérateurs, le colza est « l’espèce qui a le moins déçu, même si on est loin des records ».