Loin du tumulte du vote de la loi sur l’immigration à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est présenté devant la commission aux affaires européennes du Sénat le 19 décembre 2023. Dans un long échange de questions et réponses, le ministre a tenté d’expliquer la stratégie française à Bruxelles. Sur la directive des émissions industrielles notamment (IED), le ministre n’a pas caché ses divergences avec les filières en France.

Quelques regrets sur les IED

La non-intégration des élevages bovins conjuguée au rabaissement des seuils de chargement en volaille et en porc décidés par le trilogue européen laisse ainsi quelques regrets au ministre. Il aurait en effet préféré un maintien des seuils, conjugué à l’intégration de l’élevage bovin. « Il me semblait que cette stratégie permettait de démontrer que nous avions un modèle en productions animales moins industriel que d’autres pays », a-t-il justifié en estimant à entre 100 et 300 élevages bovins potentiellement concernés. Une stratégie « pas tout à fait alignée avec celle de la profession » de son propre aveu.

Malgré les délais de mise en place de cette nouvelle mouture de la directive IED « à l’horizon de 2028-2029-2030 », Marc Fesneau ne sous-estime pas les « contraintes supplémentaires pour les agrandissements et les créations » en élevage de porcs et de volailles et assure vouloir en tenir compte. « On va essayer d’avoir une approche différenciée selon la taille, même si des seuils existent. Il ne faut pas que ce soit la même chose si vous avez 20 000 volailles ou 100 000. Il faut trouver une voie de différentiation », a-t-il ajouté.

Des explications sur le dossier des phytos

Les sénateurs ont également voulu en savoir plus sur l’abstention de la France pour le vote du renouvellement du glyphosate, mais aussi sur l’échec du règlement sur l’usage durable des pesticides (règlement SUR). Si les États membres ont affiché leurs divergences sur ces questions, le ministre a assuré que ça ne changerait pas la trajectoire de la France. « De toute façon, on a intérêt à trouver des alternatives. Soit avec des produits phytosanitaires avec moins d’effets sur l’environnement ou sur la santé quand c’est le cas ou avec des produits alternatifs et des systèmes de biocontrôle ».

Sur le glyphosate plus précisément, Marc Fesneau met en avant sa constance. « La position de la France, c’est que partout où on pouvait trouver des alternatives on les trouve, on les accompagne et que pour le reste on les utilise le glyphosate. On pense à l’agriculture de conservation ou sur les terrains escarpés par exemple. La position de la France n’a pas changé », souligne-t-il. Reprenant également un argument souvent entendu dans la profession, « les interdictions ne produisent pas les solutions ».

Un travail de lobbying sur les NBT

La transition avec le thème des NBT, ou nouvelles technologies génomiques, était toute faite pour le ministre qui les place justement dans la liste des alternatives. « Ça doit servir la réduction des produits phyto ou pour la résistance au dérèglement climatique », affirme-t-il.

Marc Fesneau a toutefois pris acte des désaccords entre les membres de l’Union européenne. « On a quand même encore une minorité de blocage sur le texte du côté de l’Allemagne et des pays de l’Est. Les uns sur la question du rapport au bio, les autres parfois sur la question de la brevetabilité ou les questions d’étiquetage », relate-t-il. Mais il assure ne pas s’avouer vaincu et va continuer de chercher à convaincre. « Je me rendrai assez prochainement dans un certain nombre de pays européens qui sont aujourd’hui dubitatifs pour leur expliquer l’intérêt de ces techniques », assure-t-il.