C’est un nouveau virus dont les éleveurs se seraient bien passés. La maladie hémorragique épizootique (MHE), qui affecte les ruminants, s’est frayé un chemin depuis l’Espagne jusque dans les élevages du sud-ouest de la France. Le 5 octobre, le ministère de l’Agriculture recensait 53 foyers en élevage dans l’Hexagone, dont 30 dans le département des Hautes-Pyrénées, 12 dans les Pyrénées-Atlantiques, 8 en Haute-Garonne, 2 dans le Gers et 1 dans les Landes.
Les trois premiers foyers ont été détectés le 21 septembre dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées. Le virus était apparu dans le sud de l’Espagne dix mois plus tôt, en novembre 2022. À la fin de l’été 2023, les foyers espagnols ne se situaient plus qu’à une petite centaine de kilomètres de la frontière française. « Ce que l’on craignait est arrivé, plus vite que prévu », reconnaît Stephan Zientara, vétérinaire et virologiste à l’Anses.
Peu de mortalité
La MHE ne présente aucun danger pour l’homme. C’est une maladie « virale infectieuse, non contagieuse, à transmission vectorielle des ruminants domestiques et sauvages », expose la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (ESA). Elle est transmise aux animaux par des insectes piqueurs du genre Culicoides, également vecteurs de la fièvre catarrhale ovine (FCO). Les symptômes de la MHE sont très proches de cette dernière, qui a ressurgi cet été dans le Massif central (lire l’encadré ci-dessous). Ils se manifestent principalement chez les bovins et les cervidés par de la fièvre, des ulcérations du mufle, du jetage et des boiteries. « Les moutons, les chèvres et les camélidés sont réceptifs au virus, mais ne présentent pas de signes cliniques », indique le ministère de l’Agriculture. Le taux de mortalité de la MHE est « très faible, inférieur à 1 % «, précise Stephan Zientara. Aucun vaccin n’existe à ce jour.
En France, une zone réglementée (ZR) de 150 km est instaurée autour de chaque foyer en élevage (lire l’infographique ci-après). Depuis le 1er octobre, en plus de la désinsectisation, un test de dépistage est requis pour les sorties de ruminants de la ZR vers le reste du territoire national. Pour mouvements hors des frontières françaises, les choses se corsent. La réglementation européenne interdit l’envoi vers d’autres États membres de l’Union européenne (UE) de tout ruminant provenant des exploitations situées en zone réglementée. Quant aux pays en dehors de l’UE, les restrictions éventuelles dépendent des exigences de chacun d’eux. Le 3 octobre dernier au Sommet de l’élevage, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a lui-même annoncé le « déblocage » du commerce vers l’Espagne. Des discussions sont également en cours avec l’Italie et les pays du pourtour méditerranéen, en particulier l’Algérie, qui a fermé ses frontières à tous les animaux français.
« Surplus » sur les marchés
Par conséquent, l’inquiétude monte dans le commerce du bétail maigre, d’autant que « pour les sorties de broutards, nous sommes dans le vif du sujet à cette période de l’année », note Martial Tardivon, directeur du marché au cadran Sicafome à Moulins-Engilbert (Nièvre). Le professionnel n’observe pas de mouvement de panique, mais constate que « les éleveurs vendent leurs animaux dès qu’ils le peuvent. Il y a un surplus sur les marchés, notamment chez les mâles. Il faut réorienter les animaux prévus pour l’Algérie vers les d’autres débouchés tels que l’Espagne, l’Italie et l’engraissement en France. »
Pour Michel Fénéon, président de la commission d’import-export de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB), la MHE coupe l’élan de la filière française de bovins maigres à l’exportation. “Les cours reprenaient, notamment grâce à la réouverture du marché algérien. De 20 000 à 22 000 animaux étaient en préparation depuis plusieurs semaines », rapporte-t-il. Pour les exportateurs, les acomptes perdus pour les bateaux non chargés, les frais sanitaires pour la préparation des animaux, et les coûts liés à la réorientation de ces derniers pèsent lourd économiquement.
Du côté des éleveurs, « les bovins qui restent en ferme ont également un coût », rappelle Michel Fénéon. Des syndicats ont d’ailleurs fait entendre leur voix. La Coordination demande une aide de l’État pour les élevages touchés par la MHE. « Les soins vétérinaires liés à l’apparition de la maladie peuvent atteindre environ 250 euros par animal », avance le syndicat. Le Modef réclame pour sa part « une aide exceptionnelle pour maintenir les animaux dans les fermes ». Pour l’heure, le ministère de l’Agriculture botte en touche. « Il est encore trop tôt pour évoquer la question des aides aux éleveurs », tranche le cabinet de Marc Fesneau, le 10 octobre. Il estime que « le préjudice économique dépendra in fine de la date à laquelle nous parviendrons à rouvrir les frontières avec l’Algérie et l’Italie ».