Les acteurs du monde agricole s’interrogent : « Quel modèle de méthanisation le ministère de l’Agriculture veut-il défendre en France ? » En effet, le gouvernement a publié le 8 novembre 2020 l’arrêté du 20 octobre 2020 qui fixe le nouveau cahier des charges pour les digestats de méthanisation. Baptisé « CDC Dig », il regroupe les trois anciens cahiers des charges et inclut désormais les digestats issus de méthanisation non-agricoles.
Plusieurs organisations agricoles sont fermement opposées à cette loi qui libéralise la gestion des digestats, en y intégrant la méthanisation industrielle non-agricole. L’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), la FNSEA et l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture) ne digèrent pas cette parution. Elle découle d’une supposée « concertation qui n’a en fait été qu’une consultation » d’après Jean-Marc Onno, vice-président de l’AAMF.
L’amertume est grande. Les agriculteurs se demandent aujourd’hui s’ils ont réellement un ministère qui les écoute. La lettre ouverte, cosignée par les présidents de ces trois organisations au début de septembre, est restée sans réponse de la part du ministre Julien Denormandie. Des recours politiques ont été tentés mais le gouvernement les a pris de vitesse et a publié cet arrêté alors que les discussions étaient encore en cours.
Monter éleveurs et méthaniseurs les uns contre les autres
Jusqu’ici, trois cahiers des charges existaient : DigAgri 1, 2 et 3. Ils étaient réservés à la méthanisation agricole. Avec ce nouveau règlement, plusieurs risques sont mis en avant par l’AAMF, la FNSEA et l’APCA. Le fait que les industriels de la méthanisation soient exempts de plan d’épandage risque d’entraîner une concurrence sur les terres disponibles et les unités d’azote autorisées.
Des éleveurs pourraient ainsi perdre, au profit des méthaniseurs, des parcelles d’épandage sous contrat avec des voisins agriculteurs. Le vice pourrait même être poussé au point que des éleveurs ne trouvant d’exutoire à leurs effluents, soient contraints de les exporter vers ces sites de méthanisation.
Une libéralisation qui « ouvre la porte aux dérives »
Les sites industriels sont ainsi dégagés de leur responsabilité de producteur de déchets et ils pourront désormais faire monter les enchères sur les digestats produits. La traçabilité va en pâtir, et la valeur marchande de ces produits fertilisants devrait augmenter.
Lorsque ce projet leur avait été présenté, les organisations avaient soulevé plusieurs points de friction et fait des demandes, notamment celle d’un rayon maximal de valorisation de 50 km, pour garder un aspect territorial important pour le monde rural.
Dans le même esprit, l’obligation pour l’ensemble des unités de disposer d’un plan d’épandage pour au moins 60 % des digestats produits a été demandée. Ces deux mesures ont été balayées d’un revers de la main. « En plus de cela, c’est encore une fois l’agriculteur recevant le produit qui sera seul responsable en cas de problème », relève Jean-Marc Onno.
Maigre contrepartie, la reformulation d’une mention dans la liste des matières premières autorisées et la fréquence d’autocontrôle basée sur la typologie et la quantité de digestat ont été accordées.