Nénufar, c’est le nom du procédé, car comme un nénuphar sur l’eau, la couverture flotte sur le lisier. « Sa principale innovation est de capter le méthane et le CO2 qui vont s’échapper de la fosse pour pouvoir les valoriser et produire de l’énergie », explique Aurore Toudic, chargée d’études environnement à la chambre régionale d’agriculture de Bretagne. Il a deux autres intérêts. Comme toute couverture, elle évite de stocker de l’eau de pluie et donc limite le transport d’eau dans la tonne, tout en augmentant la capacité de stockage de lisier de l’élevage. Le dispositif permet aussi de limiter les émissions d’ammoniac dans l’atmosphère et les odeurs, un atout dans le cadre de la loi de transition énergétique qui impose une réduction des gaz à effet de serre (voir encadré).

Fosse existante

Le dispositif est installé à la station expérimentale des chambres d’agriculture de Bretagne de Guernévez (Finistère), sur une fosse à lisier de 300 m3 depuis juin. Il a été conçu par une start-up française, « Nénufar ». Le projet Prométhis (1) a pour objet de démontrer la faisabilité opérationnelle du procédé, sa robustesse, les contraintes techniques. Les résultats sont attendus pour la fin de l’année.

Le procédé est assez simple. Le biogaz récupéré sous le dôme est envoyé dans une chaudière pour chauffer les porcheries en remplacement de l’énergie fossile. C’est le dégagement de méthane et de CO2 qui maintient la structure gonflée. Quand la fosse est vide, on ne voit pas la couverture.

« Habituellement, dans une unité de méthanisation classique, le lisier est chauffé et brassé dans une fosse étanche pour favoriser la digestion des déchets. Avec Nénufar, on valorise les ouvrages existants. Le système est à température ambiante, c’est pourquoi on parle de méthanisation rustique, précise Aurore Toudic. On profite de toute la durée de stockage du lisier, qui peut aller de plusieurs semaines à plusieurs mois, pour exprimer tout son potentiel méthanogène. » À Guernévez, un agitateur dans la fosse permet d’homogénéiser les différents lisiers apportés pour favoriser la production, mais ce n’est pas indispensable. Au mois de novembre, le système a produit 20 m3 de biogaz/jour. Il en produisait 50 m3 cet été. Mi-décembre (t = 11 °C), la production était de 10 à 15 m3/jour. En début d’année, la température est descendue à 8 °C dans la fosse, mais il y a toujours eu une production de biogaz. Plus la température est basse, moins les bactéries sont actives.

Suivi simplifié

« La température, c’est tout l’enjeu du système, estime la chargée d’études. Il nous faut aussi repérer les familles de bactéries naturellement présentes dans le lisier et qui sont capables de travailler à ces températures. » Pour l’expérimentation, ils ne sont pas allés chercher des digestats de méthaniseur. Les premières observations démontrent que la production de biogaz varie aussi en fonction de la qualité du lisier. Un lisier d’engraissement est plus riche qu’un lisier de truies ou de post-sevrage. Des apports de lisier sont faits tous les 15 jours (10 à 15 m3) dans la fosse. Le suivi de l’installation est assez souple. « Nous conseillons une visite de contrôle une fois par semaine pour vérifier que tous les appareils fonctionnent et pour faire une analyse de biogaz », explique Rémy Engel, cofondateur de Nénufar. « Une fois par an, il faut ôter les feuilles mortes sur la couverture et penser à faire un entretien de chaudière », poursuit-il. Autant dire que cela n’a rien à voir en temps passé avec un méthaniseur classique.

Pour un élevage moyen (190 TNE), avec une fosse de 18 m de diamètre, le coût de l’investissement est de l’ordre de 80 000 € (couverture de la fosse, chaudière à biogaz, réseau). Un investissement 10 fois moins élevé que pour une installation classique. « On estime que la production de biogaz permet une économie de 10 000 € d’énergie par an à analyse au cas par cas », indique le concepteur. Reste à trouver le modèle technico-économique qui permette au dispositif d’exprimer tout son potentiel afin d’assurer un retour sur investissement raisonnable pour l’éleveur.

(1) Chambres d’agriculture de Bretagne, Utilities performance, UGPVB, Aile, Université Bretagne sud, Irstea, Ademe, Conseil régional.