« La transhumance du Marais poitevin est historique dans le secteur », explique Alexis Riou, éleveur dans les Deux-Sèvres. Associé avec son père pour former l’EARL Riou, 180 ha en bio et une soixantaine de Maraîchines allaitantes, il est l’un des cinq derniers agriculteurs à continuer ce rituel saisonnier. Pour l’organisation et la répartition de la cinquantaine de bêtes au total sur les 300 ha d’îlots pâturables, les éleveurs sont accompagnés par Nicolas Grellier, chef de travaux du parc. La traversée s’effectue ensuite à l’aide d’une barge sur mesure, réalisée en partie par le Parc naturel régional du Marais poitevin.

Vaches à tribord

À partir du mois d’avril et jusqu’à la fin des beaux jours, la quinzaine de bœufs d’Alexis parcourt le marais. « Je les dépose sur une île, puis je les laisse en autonomie pendant plusieurs semaines. Pour ça, le parc nous met à disposition un chaland qui nous permet de les transporter jusqu’à la pâture en question. Lorsque je veux l’utiliser, je dois m’assurer qu’il est disponible. Si c’est le cas, je peux transporter mes bêtes dans une ancienne scierie où a été aménagé un couloir d’isolement. J’y descends alors mes quelques bœufs de la bétaillère en attendant que la barque soit prête », explique Alexis.

Alexis règle les barrières du chaland de façon à serrer les bovins, ce qui évite que le bateau tangue. (©  Louis Duval/GFA)

L’éleveur se dirige ensuite vers la barge. Il baisse les deux portes situées à l’avant à l’aide de manivelles et d’un circuit de câble, faisant office de pont afin que les bœufs puissent monter. Une fois qu’ils sont installés sur l'embarcation à fond plat en aluminium, Alexis règle la barrière afin de les serrer au maximum : « L’objectif, c’est qu’ils bougent le moins possible, pour ne pas déstabiliser l’équilibre du chaland. Certains éleveurs préfèrent l’attache, mais mes deux bœufs du jour sont très calmes, donc la barrière suffit. Dans tous les cas, la capacité maximale est de cinq animaux. » Alexis n’a plus qu’à relever les portes et partir vers sa destination.

Seulement 500 mètres séparent la scierie de la pâture. L’éleveur prend alors la barre franche du moteur Suzuki de 50 ch. « J’ai mon permis bateau, donc j’ai l’habitude d’utiliser un tel système. Certaines manœuvres peuvent être difficiles au début, mais après quelques allers-retours, on s’y fait. » Nicolas enchaîne : « C’est un nouveau moteur, donc il faut s’y acclimater. L’ancien était d’origine avec la barge et datait des années 2000. Il était devenu trop vieux. » Arrivé à destination, l’équipage peut descendre. Alexis joue encore une fois de la manivelle dans le sens inverse, descend les portes puis ses bœufs. « Maintenant, je les laisse profiter de la nature. Ils vont pouvoir passer dans les îlots les plus proches grâce à des petits ponts, et ensuite je viendrais les déplacer vers une autre zone du parc. »

Aménager le marais

« C’est à partir des années 2000 que l’organisation du parc a décidé de remettre le pâturage. Il y avait eu plusieurs années d’intempéries, donc c’était l’occasion d’en changer l’écosystème. 300 ha ont été consacrés au pâturage, et sont entretenus principalement de manière naturelle avec les bovins, indique Nicolas. C’est à ce moment-là que la barge historique a été renouvelée. L’ancienne ne pouvait transporter que deux vaches à la fois, aujourd’hui c’est cinq ou six au maximum. C’est relativement peu mais il suffit de faire plusieurs voyages. »

En dehors de la saison estivale, le chaland peut aussi être de service. Pas pour les animaux cette fois-ci, mais pour le transport de bois ou de véhicules « Le parc possède un petit tracteur qui peut monter sur le chaland et être acheminé vers les îlots afin de débroussailler les refus de pâturage, notamment les ronces. » Une minipelle aussi peut embarquer afin d’aller curer les cours d’eau.

Alexis utilise le chaland sur quelques centaines de mètres pour déposer ses bœufs sur un groupe d'îlots. (©  Laurent Theeten/GFA)

« Le curage est important si on veut garder de petits îlots distincts, sans que les bovins ne traversent d’eux-mêmes en dehors des ponts. » C’est pour passer ces cours d’eau en bon état que la barge est équipée de passerelle de chaque côté. En dépliant ses portes à l’avant et les passerelles de l’arrière tout en mettant la péniche en travers, les bœufs peuvent passer d’une rive à l’autre. De la même manière, avec les passerelles gauche et droite, si la largeur est plus restreinte. Ainsi, les bovins restent à l’herbe d’avril à novembre.