«Le plan national de recherche et d’innovation, ou PNRI, est totalement inédit. On sort d’une solution unique (N.D.L.R. : les néonicotinoïdes en traitement de semences contre les pucerons vecteurs de jaunisse) et on doit résoudre ce problème sans a priori : c’est l’engagement pris. Il y avait mille jours pour trouver des solutions, aujourd’hui il en reste quatre cents ! », a insisté Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inrae (1), le 9 juin 2022.

Ce jour-là, une visite dans une ferme pilote d’expérimentation (FPE) de Nojeon-en-Vexin (Eure) a permis de présenter les résultats de trois des cinq leviers évalués sur toutes les FPE (lire l’encadré) afin de trouver des alternatives au retrait des néonicotinoïdes sur betteraves face aux pucerons vecteurs de jaunisse virale. Il s’agit de lâchers d’auxiliaires sur les parcelles, de semis de bandes fleuries et de l’association de plantes compagnes aux betteraves (2). Ces dernières ont pour but de perturber la présence de pucerons sur la culture.

Les plantes compagnes testées

Sur cet essai, en 2021, l’avoine d’hiver a permis d’éviter toute concurrence avec la betterave. Cependant, en 2022, la pression parasitaire a été bien plus élevée. On retrouve une efficacité partielle de la féverole et de l’orge qui permettent de réduire respectivement de près de 50 et 40 % les populations de pucerons comparé au témoin.

Sur la partie traitée (avec un passage de Teppeki), les observations montrent peu d’écarts entre ce qui a été traité et non traité pour l’orge de printemps. « La seule modalité en traité où la recolonisation et l’évolution des pucerons sont freinées, c’est avec la féverole », précise Alexandre Métais, délégué régional en Normandie de l’ITB (Institut technique de la betterave). Ce dernier insiste également sur l’importance de la date de semis des plantes compagnes, de prime abord plus risquée quand elle a lieu plus tôt que celle des betteraves. Autre point de vigilance : ne pas miser sur une densité de semis trop élevée.

L’objectif est, par ailleurs, de laisser les légumineuses jusqu’à 10 feuilles de la betterave, au maximum, et les graminées, plus concurrentielles, jusqu’à 6-8 feuilles. « Sur des parcelles avec des problématiques de graminées, type ray-grass, vulpin, cette technique n’est pas forcément appropriée », indique le spécialiste. C’est aussi le cas en bio avec le désherbage mécanique. Dans les deux cas, les plantes compagnes devraient, en effet, être détruites trop tôt pour en extraire un quelconque bénéfice.

Des lâchers d’auxiliaires

« Il faudra attendre la récolte 2022 pour tirer de plus amples conclusions et mettre en regard ces résultats avec ceux des 39 autres FPE qui réalisent des essais de plantes compagnes pour identifier les facteurs de réussite ou d’échec de cette stratégie », ajoute l’ITB.

En revanche, l’introduction d’auxiliaires (larves ou œufs de chrysopes, hyménoptères parasitoïdes) sur les parcelles n’a pas montré d’efficacité en 2021 et semble pour le moment contrasté pour 2022. Mais il faut, là encore, approfondir les résultats. Quant à l’implantation de bandes fleuries pour attirer des auxiliaires, a priori rien de probant non plus.

Au vu de ces premiers résultats, l’ITB rappelle qu’à l’avenir pour baisser la pression pucerons, les betteraviers seront amenés à combiner les solutions entre elles. Céline Fricotté

(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.(2) Les deux autres leviers testés sont les variétés tolérantes ou résistantes aux virus de la jaunisse ainsi que l’utilisation de produits de biocontrôle.