Quel éleveur n’a jamais constaté l’appétence de l’ortie pour les vaches et les autres animaux d’élevage ? Une fois fauchée et fanée, cette plante constitue un excellent complément alimentaire. Bien conduite, elle contient environ 22 % de matière azotée totale, selon les travaux de Christian Marche, du Centre des technologies agronomiques de Strée (Belgique), qui a consacré plus de vingt ans à l’étude de l’ortie en alimentation animale. Son équilibre en acides aminés essentiels est intéressant et la plante est reconnue comme galactogène chez tous les mammifères.

Plus précoce que la luzerne

Cultivée à des fins commerciales en Belgique et en Allemagne pour l’industrie du textile, l’ortie apprécie des sols riches en matière organique. Elle est gourmande en azote et d’aucuns la prédestinent aux systèmes d’élevage avec lisier. Elle est plus précoce que la luzerne et ses rendements atteignent au total de 4 à 8 tonnes de matière sèche à l’hectare pour quatre coupes environ.

Derrière ce potentiel flatteur, l’expérience acquise ces dernières années révèle toutefois des limites. « L’implantation est très compliquée, témoigne Laëtitia Cenni, éleveuse à Beuvrigny (Manche), qui s’y est essayée sur quelques hectares, avant d’abandonner. Les graines ne germent pas. Il faut acheter des pousses et les planter comme des salades. La première année, l’ortie ne produit rien. La culture réussissait bien, mais le temps m’a manqué. La récolte est encore plus délicate, puisque pour préserver les valeurs alimentaires de la plante, elle doit être séchée sitôt fauchée, alors qu’elle est encore à 75 % d’humidité. Les séchoirs en grange classiques ne suffisent pas. Il faut s’inspirer des séchoirs à plantes médicinales et trier manuellement. » Pour toutes ces raisons, le coût de revient est élevé. Le prix de vente en vrac constaté dépasse parfois 1 000 euros la tonne.

Gérer les acidoses

Laëtitia Cenni, qui a créé la société « Au fil de l’ortie », reste convaincue de l’intérêt « médicinal » de la plante. Elle continue d’en acheter auprès d’un producteur belge. « Il faut l’intégrer à raison de 1 gramme par kilogramme de poids vif, indique-t-elle. Pour les vaches, on préconise des cures de vingt jours lors de périodes comme l’entrée et la sortie d’hiver, l’entrée en lactation ou lorsque les animaux souffrent de problèmes ostéoarticulaires. »

Des effets positifs dans la gestion de l’acidose, quand la plante est intégrée dans des rations propices à ce trouble digestif, ont été observés par des chercheurs de l’université de Reading (Royaume-Uni, en 2015). Des recherches russes (université d’Orel, en 2013) ont également démontré que l’ortie peut être utilisée avec de la lécithine. Cette pratique diminue les stress oxydatifs liés aux conduites intensives et stimule les réactions antioxydantes.

Les chercheurs anglais, russes et français (de l’Inrae) qui ont étudié la question ne comprennent toutefois pas encore les mécanismes d’action de la plante. « Aucun des constituants pris séparément n’est capable à lui seul d’apporter les propriétés mises en évidence, constate Laëtitia Cenni. C’est donc probablement la synergie entre les vitamines, les minéraux, la silice, les acides­ aminés qui explique ses effets positifs. »

Alexis Dufumier