Entre 2016 et 2018, la cryptosporidiose, maladie intestinale, a sévi dans la nurserie de la ferme de la Tuilerie au Mesnil-Durand, dans le pays d’Auge. « Le passage de 50 à 100 vaches, en quelques années, après l’installation de mon mari en 2012, n’y est certainement pas pour rien », analyse Charlène Julien, qui a depuis rejoint Mathieu, son époux, sur l’exploitation. Le couple est à la tête d’un troupeau de normandes et produit du lait sous AOP (1) en système « tout herbe ». La majorité des vêlages se déroule au printemps et en été.
Pour lutter contre la cryptosporidiose qui infecte leurs veaux, les éleveurs ont décidé, en 2019, d’introduire le kéfir de lait dans la buvée quotidienne. « La propriété de cette boisson lactofermentée est l’amélioration de la flore du système digestif. J’ai préféré le kéfir au yaourt car la diversité microbienne est beaucoup plus importante », indique l’agricultrice.
Dès le début de la vie du veau, elle distribue entre 0,5 et 2 litres de cette préparation par jour et par animal, qui est complété par du lait concentré ou du lait doux, pour une ration totale de 6 litres par jour et par veau. « Le kéfir est globalement très bien ingéré. Toutefois, il arrive que le liquide un peu épais passe difficilement dans les tétines neuves. Le goût, plus ou moins acide d’un jour à l’autre, est parfois moins apprécié. Il suffit alors de redonner la tétine aux veaux les plus récalcitrants et le problème est résolu. »
Seaux individuels
Afin de démarrer la production de kéfir, Charlène a dû se procurer un ferment. Pour cela, elle a prélevé un échantillon de kéfir auprès d’un ami éleveur bio. « Le bouche-à-oreille fonctionne bien. » Elle a d’abord ensemencé 1 litre de lait cru pendant deux jours, qu’elle a ensuite utilisé pour préparer une bassine de 50 litres. « La boisson met environ vingt-quatre heures à fermenter. Aujourd’hui, j’ai toujours une, voire deux bassines de kéfir en fermentation. Il est indispensable d’exclure le lait de vaches sous traitement antibiotique, de même que le colostrum. » Au cours de la distribution, l’éleveuse prend soin de garder un fond de cuve de kéfir, qui sert à réensemencer la préparation suivante. Celui-ci se développe autour de 18 à 20 °C. Actuellement, elle réfléchit à un système thermostatique de façon à maintenir la température de ses productions d’hiver.
Depuis la mise en place du kéfir, les résultats sanitaires sont très encourageants. « À l’été 2018, nous avons vécu une année noire avec la perte de 14 veaux à cause de la cryptosporidiose. Cette année, après 80 vêlages, nous n’avons constaté aucune mortalité liée à cette maladie, se réjouit Charlène. L’apport du kéfir n’est sans doute pas la seule explication. Le choix de seaux à tétines individuels ainsi qu’une surveillance assidue de l’appétit des veaux sont aussi à l’origine de ces résultats ».
Alexis Dufumier
(1) Appellation d’origine protégée camembert, livarot et pont-l’évêque auprès de la laiterie Graindorge.