Tous les moutons ne sont pas égaux devant les parasites. « Certains sont dits résistants car ils limitent l’installation, le développement, la survie et la fécondité des parasites », déclarait Philippe Jacquiet, lors des Journées techniques ovines au Puy-en-Velay, en Haute-Loire, les 23 et 24 novembre 2016. Cette aptitude peut cohabiter avec la résilience, c’est-à-dire la faculté du mouton à maintenir son niveau de production en dépit de la présence du parasite. Il parvient à compenser les effets délétères des strongles gastro-intestinaux (SGI).

La capacité de résistance peut être évaluée par l’intensité d’excrétion d’œufs dans les matières fécales. Il est difficile de savoir quels gènes commandent cette prédisposition. « Plusieurs sont probablement en cause. L’intensité d’excrétion d’œufs est la synthèse de tous les effets sous-jacents de ces gènes. On sait que ce caractère a une héritabilité comprise entre 0,2 et 0,4, ce qui est suffisant pour assurer une sélection. »

Différencier les béliers

Quelques races, comme la manech à tête rousse ou la romane…, ont lancé des programmes de sélection d’animaux résistants aux SGI. Pour des raisons de coût, il est difficile d’évaluer ce caractère sur la totalité d’un cheptel ovin. C’est pourquoi la voie mâle a été choisie pour assurer la diffusion du progrès génétique. Pour différencier les béliers résistants des béliers sensibles, les chercheurs pratiquent des infestations expérimentales. Une grande variabilité individuelle dans l’excrétion d’œufs est observée entre les béliers. Certains excrètent très peu (quelques centaines d’œufs par gramme (opg) de matière fécale), d’autres excrètent massivement (plus de 10 000 opg) pour le même nombre de larves administrées. Ainsi, en manech à tête rousse, 600 béliers ont été phénotypés. En race romane, les chercheurs ont constaté que le statut « résistant » ou « sensible » identifié chez le père était retrouvé chez leurs filles en conditions naturelles d’infestation.

Ces informations sont précieuses pour l’éleveur chez qui la résistance des vers à différentes familles de produits anthelminthiques est observée. « Celui-ci pourra faire une utilisation tactique de la génétique, indique Philippe Jacquiet. Il utilisera davantage les béliers résistants à excrétion faible. Il saura aussi lesquels éviter pour ne pas amplifier le problème du parasitisme détecté chez lui.

À l’échelle d’un organisme de sélection, il sera aussi possible de contre-sélectionner les béliers les plus sensibles », ajoute-t-il. Il suffira d’écarter une petite proportion de béliers les plus sensibles (15 % par exemple) chaque année. Ils auront été évalués selon les tests d’infestations expérimentales. Au préalable, le nombre de béliers admis à la station de contrôle aura été augmenté de la même proportion pour en conserver un nombre suffisant en fin de sélection.

« L’atout de la sélection des ovins résistants est qu’elle ne génère aucun travail supplémentaire pour l’éleveur car ce sont les animaux eux-mêmes qui s’occupent du problème parasitaire. La sélection génétique d’animaux résistants ne permettra pas de contrôler à elle seule le problème des SGI. Elle sera pratiquée dans un cadre de lutte intégrée, en complément d’une utilisation raisonnée des anthelminthiques chimiques et avec d’autres méthodes complémentaires comme les alicaments. »