«Avec mon frère, nous avions trop de travail sur la ferme. En août 2012, nous avons commencé à réfléchir à embaucher un apprenti. Je me suis dit que tous les jeunes avaient déjà trouvé un patron, mais j’appelle quand même le CFA (1). La secrétaire prend mes coordonnées. Le 25 août 2012, je reçois un appel d’une jeune fille qui cherche un maître d’apprentissage pour un bac pro. Elle me précise qu’elle n’est pas du milieu agricole. J’étais étonné d’entendre une fille, mais pourquoi pas. La veille de la rentrée, je la rencontre. Je me souviens très bien de ce moment. Je sortais d’une permanence en mairie et elle est arrivée avec son papa. C’était une très belle blonde de 19 ans. Elle portait un petit bustier qui mettait en valeur sa poitrine, un jean moulant et des talons. Avec son allure de mannequin, je l’aurais plutôt imaginée dans un salon de coiffure que dans un élevage ! Elle m’a expliqué qu’elle avait eu quelques années difficiles, mais qu’elle souhaitait se prendre en main. Deux tatouages et des piercings témoignaient de cette période. Lors de l’entretien, elle s’est bien vendue. Elle avait l’air déterminée, je n’ai pas osé lui dire non.
Volontaire et déterminée
Le premier jour, cette demoiselle arrive en 4 x 4 pick-up. Elle m’explique qu’elle habite à Tours (Indre-et-Loire) et qu’on lui a prêté cette voiture. Après m’avoir suivi quelques heures sur l’exploitation, elle se met au travail. Avec son vernis rouge vermillon et ses yeux bleus maquillés de noir, elle nettoie les logettes à la fourche ! À la fin de la première semaine, elle est très fatiguée. Je suis prêt à lui dire que le contrat s’arrête, mais elle m’explique que le temps de trajet de 45 minutes, la pénalise. Elle est volontaire et curieuse. C’est une battante, elle mérite que je fasse un effort. Mais que faire ? La commune vient de finir des logements sociaux, avec la municipalité, nous lui proposons d’en louer un. Dès lors, elle n’a plus montré de signe de fatigue. À la ferme, elle s’adapte très bien à la conduite du tracteur et à l’élevage. À l’école, elle est la meilleure de sa classe. Finalement, les trois années se sont très bien déroulées. Je lui ai proposé de l’embaucher. Mais au bout de trois semaines, le rythme à temps plein, les responsabilités et la vie à la campagne lui pesaient.
Nous nous sommes quittés en très bons termes. Aujourd’hui, cette jeune fille passe un diplôme de soigneur en parc zoologique, et moi, je garde un très beau souvenir de cette expérience humaine.
(1) Centre de formation d’apprentis.