Les indemnisations forfaitaires actuellement en vigueur pour couvrir les pertes indirectes à la suite de prédation sont très loin de couvrir le manque à gagner réel des exploitations. C’est en tout cas l’enseignement d’une étude (1) présentée par Maxime Marois, de l’Institut de l’élevage, le 1er février 2024 lors de la journée d’échanges annuelle de l’UMT Pasto. Pour un système traditionnel des Alpes transhumant par exemple, le montant maximal des pertes indirectes peut atteindre jusqu’à 75 € par brebis, sans rapport avec les 4 € au maximum par brebis, perçus aujourd’hui par un exploitant subissant des attaques de loups (0,8 € à 4 € par brebis en fonction des situations (nombre de brebis du troupeau, lieu de l’attaque…)).
« 75 € par brebis est toutefois une estimation maximale des pertes indirectes pour une exploitation qui aurait subi de pertes extrêmes de prédation (50 brebis manquantes…) », souligne Maxime Marois, de l’Institut de l’élevage. Ce chiffre est issu d’une analyse qui a pris en compte un nombre considérable de données (performances techniques de fermes en situation réelle (réseau Inosys) sur une période allant de 2010 à 2021, enquêtes auprès de 60 fermes, données de géolocalisation des attaques de loups…)
Sélection d’indicateurs
« Nous avons sélectionné des indicateurs zootechniques et chiffré les dégradations observées », explique Maxime Marois. Deux types de critères sont ciblés : ceux liés à la reproduction (taux de mise bas, taux de prolificité, taux de productivité numérique, taux global de pertes « agneaux », et ceux en rapport avec une dégradation de la génétique (taux de renouvellement et taux de réforme des femelles). « Nous avons déterminé pour chacun des fourchettes de dégradations, ajoute-t-il. Pour le taux de mise bas par exemple, l’écart obtenu s’étend de –3 à –30 %. Pour le taux de pertes des agneaux, le taux global de pertes maximum va de +1 % à +18 %. »
Trois scénarios
L’ensemble de ces critères ont été modélisés sur des cas-types et dans trois scénarios différents « brebis vides », « problèmes agneaux », ou la dégradation de la génétique qui se traduit soit par « moins de réformes » ou « plus de renouvellement ».
Pour notre cas-type de départ « montagnard traditionnel des Alpes transhumant », le scenario brebis vide les pertes maximales vont de 4 € par brebis à 18 € par brebis ; pour celui des « pertes agneaux », les pertes sont de 5 à 14 € par brebis. Quant à l’affaiblissement de la qualité génétique, cela se traduit soit par « moins de réformes » (au maximum 37 € par brebis en moins), ou « plus de renouvellement » (au maximum 43 € par brebis). Comme les effets sont cumulatifs, dans une situation extrêmement dégradée, les pertes peuvent atteindre 75 € par brebis (18 + 14 + 43).
L’Institut de l’élevage a décliné ces évaluations sur trois autres cas-types ovins viande : vosgien des plaines, grand pastoral des Alpes du Sud, montagnard traditionnel transhumant des Pyrénées. 5 autres cas types concernant les productions bovins lait et allaitant, caprins ont été étudiés. L’ensemble de ces fiches seront disponibles à partir dans les prochaines semaines avec mise en ligne progressive sur le site Idele.fr.
Reste à savoir maintenant dans quelle mesure les pouvoirs publics prendront en compte ces estimations pour revaloriser les indemnisations.
(1) L’objectivation des pertes indirectes était une action du plan loup 2018-2023 sur laquelle l’État s’était engagé.