« Le loup n’a plus peur de l’homme. Cet hiver, nous avons vu des empreintes autour de la bergerie, à 150 m de la maison », raconte Patricia Granat, associée du Gaec de la Viale, à Saint-Pierre-des-Tripiers, en Lozère. Avec ses deux associés, Matthieu Ode et Vivian Bonicel, ils élèvent 380 brebis et 120 agnelles sur le causse Méjean. Le lait est livré à la fromagerie du Fédou. Les ressources sont extensives. 40 ha de céréales et 90 ha de prairies fournissent les stocks pour l’hiver. Les brebis pâturent sur 980 ha de parcours, clôturés en grands blocs. En 2015, il y a eu 50 attaques de loup. « Nous en avons subi deux et, l’année précédente, des brebis ont disparu », précise Patricia.
Depuis, les trois associés rentrent les bêtes tous les soirs, alors qu’elles mangent mieux la nuit, à la fraîche. Lorsqu’il fait trop chaud dans la journée, les brebis ne broutent pas assez sur les parcours. Il faut les complémenter en bergerie. « Cela représente entre 8 et 9 t de céréales et 23 t de foin de plus, qui réduisent d’autant notre marge de sécurité pour faire face aux aléas climatiques », souligne l’éleveuse. Sortir les bêtes le matin et les rentrer le soir augmente la charge de travail. « Cela réduit le temps disponible pour faire les foins », relève Matthieu. Cet été, ils vont embaucher un berger durant deux mois. « Des aides couvriront 80 % de son salaire, dans le cadre des mesures de prévention », note Patricia.
Pastoralisme menacé
Les brebis taries ne pâturent plus sur les parcours éloignés. « Pour continuer à les entretenir, nous envisageons d’y mettre des vaches allaitantes », note Matthieu. Les brebis à réformer passent la nuit dans un enclos électrifié. « Nous subissons des contraintes, du stress et des coûts que nous n’avons pas choisis. Mais ce qui nous touche le plus, c’est la façon dont certains dénigrent nos méthodes de travail », déplore Patricia. Si les effectifs de loups progressent, ce sera la fin du pastoralisme. « Sa présence pousse à défricher pour cultiver plus et nourrir les bêtes en bergerie. Nous ne voulons pas travailler ainsi. Tout en produisant du lait, notre troupeau entretient ce milieu semi-ouvert caractéristique du causse. Nous voulons préserver ce mode d’élevage », ajoute-t-elle.