L’affaire était mal engagée. Avec le volet agricole comme principal point d’achoppement entre les deux blocs, tout portait à penser que l’accord UE-Mercosur continuerait à jouer l’Arlésienne. « Mercredi 6 décembre, les négociations restaient bloquées. Les AOC, la viande bovine, les volailles et l’éthanol sont les principaux points qui entravent les discussions », assure une source proche des négociateurs latino-américains, réunis à Bruxelles avec leurs homologues européens jusqu’en fin de semaine dernière.

Mais côté Mercosur, pas question de rater le coche. Nouveau leader de la sous-région, le président argentin Mauricio Macri souhaite que son slogan de campagne, « Le retour de l’Argentine sur la scène mondiale », se concrétise enfin. Pour Michel Temer, empêtré dans une profonde crise politique et économique, l’annonce d’un accord, même a minima, serait une belle carte à jouer face aux élections de 2018 au Brésil. Quant à la Commission européenne, elle se pose en chantre de l’intégration commerciale face à un Donald Trump qui ferme les vannes. Un accord de principe sur des négociations en berne depuis près de vingt ans semble être la victoire politique attendue par tous en cette fin 2017.

Viande et éthanol

Tous ? Sauf l’irréductible France, désignée parfois à son insu comme seul détracteur de cet accord. « Il y a une fenêtre pour l’UE et le Mercosur jusqu’en mars 2018. Il ne faut donc pas confondre vitesse et précipitation », a souligné Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, en marge de la conférence de l’OMC à Buenos Aires.

« On s’attend à l’annonce d’un accord politique avec des détails à peaufiner début 2018 », assure pourtant Gustavo Idigoras, consultant technique argentin auprès des négociateurs. Pour y parvenir, il a fallu revoir ses ambitions. De l’objectif haut d’un quota unique de 300 000 à 350 000 tonnes de viande bovine pour l’ensemble du Mercosur, on est passé à une proposition de 150 000 tonnes. Sans succès, l’UE propose un contingent de 70 000 tonnes. Même chose pour l’éthanol, le sucre de canne et les produits à base de sucre… Bref, la quasi-totalité des points épineux du volet agricole serait finalement ces fameux « détails ». Mais « sans la viande et l’éthanol, l’accord n’est pas intéressant pour l’Argentine », lâchait un expert lors d’une réunion dans les salons d’un luxueux hôtel de Buenos Aires. Dans la presse et auprès des analystes, la voix des sceptiques commence à s’élever timidement en Argentine. Refusant de céder au calendrier imposé par le Mercosur et la Commission européenne, la France a peut-être laissé filer l’opportunité de tirer profit de l’empressement latino-américain. Les commissaires européens au Commerce et à l’Agriculture, Cecilia Malmström et Phil Hogan, devaient toutefois se rencontrer en tout début de conférence à Buenos Aires avec les ministres des pays du Mercosur pour peaufiner l’annonce politique d’un accord finalement pas si commercial.