Au début du XIVe siècle, sur la rive gauche du Rhône, le pape Clément V déguste une production vinicole locale. Il ne se doute pas que sa découverte va changer le destin d’un village de l’actuel Vaucluse et de ses habitants. Entre 1317 et 1333, un château est érigé : Châteauneuf-du-Pape qui devient la résidence estivale du pape Jean XXII et ses successeurs. Les vins de Châteauneuf sont appréciés par les papes et leurs invités de marque, qui commandent des tonneaux aux vignerons. L’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre importent les vins de la vallée du Rhône qui deviennent précieux.

Les siècles s’écoulent, le château tombe en ruine et les vignes sont décimées en 1866 par le phylloxéra. Les viticulteurs arrachent les ceps et replantent. Ici, la terre riche en argile rouge et couverte de galets ronds nourrit les pieds de treize cépages originels : grenache (noir, gris, blanc), syrah, mourvèdre, cinsault, clairette (blanche, rose), vaccarèse, bourboulenc, roussanne, counoise, muscardin, picpoul (blanc, gris, noir), picardan, et terret noir. Les vignerons de Châteauneuf-du-Pape exercent l’art de l’assemblage. Au nez et en bouche, le grenache fruité et la syrah corsée affirment leurs différences. Les assembleurs recherchent l’équilibre et la complexité pour élaborer des vins puissants, fins, et tous différents.

Un sentier permet de cheminer à travers les vignes. (© Alexie Valois)

En 1923, ces propriétaires récoltants s’organisent en syndicat. À leur tête, le baron Le Roy fixe des règles de production exigeant de la qualité. Ce sont les prémices de la toute première AOC viticole de France (1936). Les 3 150 ha de vignobles de l’appellation sont situés sur cinq communes. Et une bouteille, armoriée des clés de Saint-Pierre et de la tiare pontificale, identifie les vins de l’AOC Châteauneuf-du-Pape. Leur réputation mondiale attire les visiteurs, curieux de découvrir cette histoire et ce village mythique. Les ruelles qui distribuent les maisons massées autour des vestiges du château des papes se parcourent à pied. Le donjon se dresse fièrement et, depuis l’esplanade, le panorama immuable permet de contempler, comme les Papes le faisaient, l’imposant fleuve et la silhouette de la cité d’Avignon.