Depuis le village de Valleraugue dans le Gard, jusqu’au massif du Mont Aigoual, une forêt luxuriante borde la route de part et d’autre. Étendue sur 16 000 hectares, à cheval entre les Cévennes et les Causses, la forêt de l’Aigoual a subi une transformation sans précédent au milieu du XIXe siècle, pour lui donner son visage actuel. À l’époque, ce massif perché à 1 567 mètres d’altitude, tourmenté par des vents violents et un froid quasi-polaire en hiver, n’est plus qu’un amas de cailloux.
« Il y a plus d’un siècle, les montagnes du sud de la France étaient plus souvent rasées que boisées », expose Jacques Grelu, ingénieur général des eaux et forêts, dans le film documentaire « Aigoual la Forêt retrouvée » de Marc Khanne que l’on peut visionner à l’observatoire météorologique, édifié au sommet de la montagne en 1894.
Un vaste chantier de reboisement
L’Aigoual, qui signifie « eau » en occitan, n’a pas échappé à ce mouvement de déforestation. À l’ère industrielle, des quantités faramineuses de bois y sont prélevées pour faire du charbon. La maladie du châtaignier et du ver à soie obligent les agriculteurs à se recentrer sur l’élevage ovin, qui devient leur unique source de revenu. Le surpâturage va lui aussi laisser des stigmates sur ce paysage. Dès lors, les fameux orages cévenols, sans arbres pour les contenir, vont provoquer des crues meurtrières dans les villages situés en contrebas.
Le forestier Georges Faure va convaincre les autorités de financer le reboisement du massif. Talentueux, il démontre que la situation de l’Aigoual, qui se trouve sur la ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et l’Atlantique, risque d’obstruer avec le sable, charrié par ses eaux en furie, le lit de la Garonne. De quoi mettre en péril la viticulture bordelaise. Avec l’aide du botaniste Charles Flahaut, il va se consacrer à la réhabilitation de la forêt. Car, si les terrains sont rachetés au prix fort aux propriétaires fonciers, l’interdiction du pâturage décidé par l’État provoque la colère des éleveurs. Le forestier va alors avoir l’idée de les employer dans le reboisement.
Hommes, femmes et enfants vont ainsi replanter quelque 68 millions d’arbres, des résineux essentiellement. « Les hommes faisaient les trous à la pioche, les femmes mettaient les plants en terre », remémore l’un de leurs descendants. Le pin à crochets est privilégié. Il aura fallu 100 ans pour que la forêt retrouve son visage d’antan. Aujourd’hui, 10 000 moutons pâturent ce massif contribuant à laisser le milieu ouvert par endroits. La forêt participe également à la production de bois, et offre de nombreux sentiers de randonnées pédestres.