Un cordon bitumé serpente dans un dédale de collines cultivées à Madagascar. Tout le long, des paysans s’attroupent par grappes auprès de leur « garaba », une profonde corbeille tressée avec l’écorce du bambou. Des camionnettes sont à pied d’œuvre. Bambou sur l’épaule et vingt-cinq kilos à chaque bout, deux porteurs arrivent, aussitôt rejoints par une femme tenant un plein panier de litchis sur sa tête. Des corbeilles neuves sont garnies d’épaisses feuilles de ravinala, une herbe géante de la famille du bananier, pour accueillir les fruits, puis recouverts de feuilles et fermées avec des liens de raphia. Paysans et collecteurs s’affairent auprès des vendeurs. On discute le calibre, pas beaucoup les prix : cinq à six cents ariary le kilo, moins de vingt centimes d’euro.

Perchés à la cime des arbres, jusqu’à vingt mètres de haut, les grimpeurs, vingt ans au maximum, sont heureux de gagner un euro cinquante pour une matinée de cueillette acrobatique. Pour attraper les fruits, les cueilleurs utilisent une tige de bambou ou une branche dont l’extrémité est fendue pour former une pince. Des soubiques (paniers, N.D.L.R.) sont hissées à l’aide de cordes, puis descendues pleines, en douceur. Assises sur des nattes à l’ombre des grands arbres, des femmes de tous âges égrainent les grappes au son de la radio.

À Toamasina, l’obscurité tombe dans les quartiers nord dénués d’éclairage public. Protégés par de hauts murs, les hangars éclatants de lumière vont tourner toute la nuit. Dans la rue, plus d’une centaine de femmes et d’hommes campent assis, allongés à même le sol auprès des camelots vendeurs de pâtes, de soupes chinoises, de boissons et de brochettes.

Bientôt la relève de l’équipe de jour. Gilet rose et charlotte bleutée, une femme tient à la main sa fiche de travail. Cinq nuits de travail (et cinq journées) chez cet exportateur doté d’un quota de cinq cents tonnes. Une aubaine pour les paletteurs, trieurs sur tapis et personnels de réception. Ils sont payés deux euros cinquante la journée, trois euros pour une nuit. Chefs de poste et superviseurs gagnent le double. Les navires partis, s’effondrent aussitôt la fièvre du litchi, tout comme son prix. Reste alors à le déguster, sucré et parfumé, mûr à point enfin, un bon mois encore. Dominique Martin