L’arrivée à Casablanca est un choc. La bataille frontale que se livrent les automobilistes, les mobylettes des années 1960 et les piétons dans le chaos urbain donne le ton et le volume sonore de la quatrième ville d’Afrique. En quelques heures, une promenade dans la métropole de plus de quatre millions d’habitants est une traversée dans l’espace-temps.

Assis à l’ombre d’un building ultramoderne, deux hommes jouent aux dames avec des bouchons en plastique, le nez au ras des 4 ×4 flambants neufs. Des marchands ambulants tirent leur charrette en pleine avenue… Les filles en djellaba, le sourire encadré d’un foulard, croisent celles en shorts et jeans. Casablanca est un vaste chantier qui n’en finit pas de construire et de démolir. Trop ? Trop vite pour les amoureux du vieux Casa, qui défendent les témoignages d’une époque où des architectes de génie inventaient ici l’urbanisme du xxe siècle. Entre 1920 et 1970, naissait ici une ville aussi plurielle que singulière.

 

On doit au maréchal Lyautey et à son architecte Henri Prost d’avoir imaginé les premiers contours de ce qui deviendra un laboratoire pour des bâtisseurs, aussi influencés par le Bahaus que par l’Art déco ou le néo-mauresque. L’impressionnante cathédrale gothique et Art déco du Sacré-Cœur, signée Paul Tournon en 1930, a été rénovée en 2018. Elle a troqué ses offices pour les évènements culturels. Il reste de nombreux témoignages des années 1920 autour de la rue Prince-Moulay-Abdellah et dans les bâtiments officiels de la place Mohammed-V, comme dans la rue Rachidi, classée et frangée de villas Art déco et néo-mauresques, ou encore l’hôtel Excelsior.

Longtemps, la spéculation immobilière a fait de Casa une ville où le touriste se contentait d’une visite à la somptueuse mosquée Hassan II avant de filer vers Marrakech ou Tanger. Mais le foisonnement créatif conjugué à la présence de trésors historiques restaurés et à l’ouverture annoncée de CasArts, futur plus grand théâtre d’Afrique, signé Christian de Portzamparc (né ici), pourrait bien la convertir en destination à part entière. M. Guilcher

(1) Les marins espagnols longeant les côtes apercevaient à cet endroit, en haut d’une colline, une maison blanche, « Casa Blanca ». Celle-ci a donné son nom à la ville : Casablanca.