La région de Régina, à l’est de la Guyane, est recouverte sur presque 200 ha de plantations de cacaoyers datant de l’époque de l’esclavage au XVIIe siècle. Elles sont aujourd’hui à l’abandon, ensevelies par la forêt. « Valoriser ce que la nature nous offre à l’endroit où nous sommes », telle est la devise d’Olivier Dummet, artisan chocolatier atypique. Il faut en effet parcourir 115 km depuis Cayenne et finir sur une piste en latérite pour arriver chez lui, un carbet isolé en pleine forêt.
Faire preuve de patience
Mais ne vous fiez pas aux apparences ! Les murs en bois renferment un atelier moderne où Olivier fabrique depuis dix-sept ans de la pure pâte de cacao et du chocolat. Dehors, se tient une serre recouverte d’une bâche où sèchent les fèves sur des tôles ondulées. Marie, sa compagne, les remue avec délectation pour les aérer, de jour comme de nuit : « J’adore les voir changer de couleur et devenir dorées. » Tout est question de patience.
La saison de la cueillette s’étale sur trois mois car les cabosses d’un même arbre ne mûrissent pas à l’unisson. Olivier sait attendre, quitte à revenir et marcher des heures dans la boue, le dos courbé parfois sous l’épaisseur de la végétation. Quand elles sont prêtes, leur couleur jaune orangé se distingue de loin, parmi le clair-obscur de la forêt. Alors elles donnent le meilleur d’elles-mêmes, des fèves blanches et laiteuses qui vont macérer pendant quatre jours en libérant des parfums acides. Une fois séchées, elles sont torréfiées au feu de bois, selon une vieille technique amérindienne, puis pilées au mortier pour enlever les peaux.
Les éclats de fèves sont ensuite triés à la volée sur un plateau à vanner. Une fois mis à nu, ils sont moulus en laboratoire pour recueillir une pâte brune que l’on fait fondre dans une trempeuse avec du sucre et du beurre de cacao. C’est alors que l’on obtient le chocolat, un liquide chaud et onctueux qui sent terriblement bon. En refroidissant dans des moules, il donnera les tablettes et les bonbons qui sont vendus dans toute la Guyane et à Paris. Des saveurs brutes de cacao ou mélangées aux noix de touka, de fruit de palmier bâche, de gingembre ou de piment, qui invitent à la découverte de l’Amazonie française, un trésor à préserver.
Maria Devimeux