Le sujet du bien-être animal prend de l’ampleur et se retrouve de plus en plus souvent sur la table dans les orientations stratégiques discutées à Bruxelles. D'ici à la fin de 2023, la Commission européenne doit d’ailleurs proposer une révision en profondeur de la législation actuellement en vigueur. « Mais comment va-t-elle se traduire dans les cours des fermes françaises ? », s’interroge Mickaël Marcerou, élu bien-être animal du pôle animal de La Coopération Agricole.

Œuvrer pour la reconnaissance des efforts déjà mis en place

Lors d’une table-ronde, organisée au Space le 13 septembre 2022, cinq intervenants ont évoqué les chantiers à venir et les enjeux de tels changements pour les éleveurs français.  « Rappelons que la réglementation et les standards de production en France et en Europe figurent parmi les plus élevés au monde, relève Jérémy Decerle, éleveur de bovins allaitants et député européen (Renaissance). Ce sont des bases solides sur lesquelles nous appuyer pour faire mieux. »

Beaucoup d’efforts ont déjà été réalisés par les producteurs européens en faveur du bien-être animal. Il s’agit à présent de les faire reconnaître. « Peu de données scientifiques décrivant les pratiques d’élevage sont disponibles à ce jour », déplore Jérémy Decerle. Pour le député européen, c’est un des axes de travail à creuser, pour définir les orientations les plus pertinentes possibles. « Il faut affiner l’analyse espèce par espèce, mais aussi prendre en considération la diversité des modes d’élevages », estime-t-il.

Actualiser les données scientifiques

Pour aiguiller Bruxellesdans ses choix sur la future législation, l'Agence européenne de sécurité sanitaire (Efsa) a déjà publié cinq avis sur les animaux d'élevage. « D'autres séries d'opinions scientifiques sont attendues sur les poules pondeuses et les poulets de chair d'ici à la fin de 2022. Des publications concernant les vaches laitières, les veaux et les autres volailles devraient également paraître en mars 2023 », explique Denis Simonin, expert confirmé en matière de bien-être animal à la Commission européenne. 

Prendre les devants

En France, de nombreux acteurs des filières animales n'ont pas attendu la nouvelle réglementation pour se mettre à la page. Luc Verhaegue, éleveur et administrateur à l'interprofession laitière (Cniel) est revenu sur la nouvelle mouture de la charte des bonnes pratiques d'élevage. Sur le volet bien-être animal, « la filière s’est donnée comme objectif d’ici à 2025 de diagnostiquer les 60 000 fermes laitières françaises et de mettre en place à la clé des plans de progrès individualisés dans chaque élevage », souligne-t-il. 

Sur la filière porcine, c'est la coopérative bretonne Le Gouessant, basée à Lamballe, qui est venue témoigner sur sa démarche de progrès. Elle a misé sur un modèle alternatif, avec la conception de bâtiments d'élevage « Physior », compartimentés en trois zones de vie (couchage, alimentation et déjections). « À tous les âges, les porcs ont accès à l’air libre via une courette. Des densités moindres (1,20 m² par animal au minimum) contribuent également à leur confort », explique Stéphane Jamet, directeur de l'activité porcine. Déjà trois élevages, dont deux en engraissement, sont équipés. Et sous quatre ans, la coopérative ambitionne d'étendre ce modèle à 30 000 places. 

Travaux participatifs

Pour trouver les meilleurs compromis dans la conception des systèmes d'élevage de demain, respectueux du bien-être animal, acceptables pour les citoyens consommateurs et profitables pour les éleveurs, des travaux de recherche participatifs ont été engagés au sein de l'Inrae. « L'objectif est de prendre en compte les questionnements et les opinions de chacun, de confronter les résultats aux réalités de terrain et aux besoins des acteurs », indique Sophie Brajon, enseignante-chercheuse en éthologie et physiologie animale à l’Institut Agro Rennes-Angers, Inrae.