Longtemps attendu par la profession agricole, le projet de réforme de l’assurance récolte a été présenté le 1er décembre 2021 en Conseil des ministres. La loi, avec douze articles, sera débattue à la mi-janvier en séance publique à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Le ministre de l’Agriculture espère que celle-ci pourra être adoptée avant la fin de la mandature et entrer en vigueur au 1er janvier 2023.
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Soutiens privé et public
Inspiré par les travaux du député Descrozaille, le gouvernement propose une architecture à trois étages. « L’articulation entre le privé et le public est astucieuse. Elle permet de faire disparaître la concurrence qui existe aujourd’hui entre assurance et calamités agricoles », souligne Delphine Létendart, directrice assurances du groupe Groupama.
Les risques de faible intensité resteront à la charge des agriculteurs, puis les assureurs prendront le relais sur les risques de moyenne intensité. Au-delà d’un certain seuil de pertes, l’État indemnisera les producteurs au travers de la solidarité nationale.
« Ce troisième niveau appliquera le même principe indemnitaire que celui pratiqué au niveau assurantiel », confie Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l’agriculture et de la prévention de Pacifica. C’est-à-dire que les modalités de calcul seront les mêmes.
Dotée de 600 millions d’euros par an, la solidarité nationale se traduit par « une subvention à l’assurance », indique Bercy ainsi que par « la création d’une garantie universelle, dont toutes les activités agricoles pourront bénéficier ».
Sécuriser toute culture
« Notre objectif est d’embarquer le plus de cultures dès le démarrage de la réforme. Des travaux sont menés en ce sens entre assureurs et pouvoirs publics », affirme Jean-Michel Geeraert. « Il n’y aura plus de système de sélection et d’exclusion comme aujourd’hui, ajoute Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles de Groupama. Le système sera inclusif et universel. »
Assuré ou non, l’exploitant agricole pourra bénéficier de la solidarité nationale. « Les productions à présent exclues du régime des calamités agricoles comme la viticulture et l’arboriculture pourront être indemnisées », complète Jean-Michel Geeraert. Mais les non-assurés ne pourront pas bénéficier de plus de 50 % de ce que touche un assuré.
Des seuils à fixer
Les seuils d’intervention des assureurs et de l’État ne sont pas encore connus. « Le Comité d’orientation du développement des assurances récoltes (Codar) réunit agriculteurs, pool d’assureurs, réassureur et État, explique Pascal Viné. Il émettra des propositions sur la définition des seuils. Les nouvelles lignes d’assurances et l’évolution du montant des primes y seront discutées en fonction des aléas climatiques. »
La méthode de calcul des pertes sera harmonisée et déclinée individuellement « permettant ainsi de mieux prendre en compte les actions entreprises par un agriculteur (acquisition de matériels de protection contre les aléas climatiques) », précise également Bercy.
Calendrier serré
« Nous n’avons pour le moment pas assez de visibilité pour savoir si nous serons prêts au 1er janvier 2023, s’inquiète Jean-Michel Geeraert. Une mise en œuvre du dispositif à cette date implique de s’adresser aux producteurs de cultures d’hiver dès l’été 2022. Or nous ne connaissons pas encore les modalités de mise en œuvre des risques extrêmes par les assureurs pour le compte de l’État. »
En effet, un guichet unique devrait centraliser les démarches et permettre d’accélérer leur traitement. « Après le vote de la nouvelle réforme, au printemps, une série d’ordonnances viendra préciser le fonctionnement. […] Il est indispensable que les pouvoirs publics nous éclairent sur ce point. »