« La tension est palpable sur le territoire », font savoir les syndicats agricoles locaux, à la suite de la suspension de l’arrêté du 12 juillet 2024 qui encadrait temporairement les prélèvements d’eau du bassin de l’Adour. Une décision attendue par les associations environnementales, qui avaient déjà saisi la justice les précédentes années et mis en demeure l’organisme de gestion collective Irrigadour, mais qui provoque la colère des agriculteurs.

Le 2 août 2024, le tribunal administratif de Pau, saisi par des associations environnementales, a suspendu l’arrêté interpréfectoral d’Autorisation Unique de Prélèvement (AUP) concernant l’irrigation dans les départements des Landes, du Gers, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées. Cet arrêté commun fixait les volumes d’eau destinés à l’irrigation agricole du 1er juin 2024 au 31 octobre 2024 dans le sous-bassin de l’Adour.

Prélèvements réduits de 25 % dans l’attente d’un nouvel arrêté

La décision rendue par le tribunal suspend l’arrêté en cours et impose de fixer à nouveau et à titre provisoire les volumes d’eau prélevables pour l’irrigation agricole pour la période d’étiage. Sous peine d’amende de 500 € par jour dépassé, les quatre préfectures concernées ont jusqu’au 12 août 2024 pour publier un nouvel arrêté conforme à la décision du tribunal. En attendant, la justice a tranché pour une baisse de 25 % des prélèvements pour l’irrigation.

Le tribunal a considéré que « les volumes prélevés sont supérieurs aux volumes prélevables », rappelant « le mauvais état quantitatif et écologique de la majorité des masses d’eau superficielles et souterraines du sous-bassin de l’Adour, dont certaines sont dans une situation déséquilibrée ». La justice a émis « un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté dans la mesure où l’amélioration […] de l’état des masses d’eau du sous-bassin de l’Adour n’était pas établie, en dépit de la pluviométrie importante enregistrée depuis le début de l’année 2024 ».

Les associations plaident pour des cultures moins gourmandes en eau

Jugeant non conforme la demande d’autorisation de prélèvement d’eau par l’organisme de gestion collective Irrigadour, cinq associations de protection de l’environnement (1) avaient saisi en urgence le tribunal le 18 juillet 2024. L’arrêté pris par les préfectures permettait de prélever 10 millions de mètres cubes supplémentaires aux 193 millions déjà prévus.

« Ce sont plus de 200 millions de mètres cubes en période d’étiage qui sont demandés par les irrigants à l’échelle du bassin de l’Adour. Les impacts sur la ressource en eau sont considérables, la demande doit donc faire l’objet d’une évaluation environnementale comme l’exige la loi », argumente l’association France Nature Environnement (FNE).

Les associations plaident en faveur d’un changement des pratiques face au réchauffement climatique, dans ce sous bassin où « 70 % de la sole est consacrée au maïs, [accusé d’être] extrêmement gourmand en eau à cette période ». « Nous espérons que les agriculteurs respecteront cette décision de justice et étudieront des méthodes agronomiques moins gourmandes en eau », déclare Georges Cingal, président de la Sepanso Landes, l’une des associations ayant saisi le tribunal.

Décision absurde contestée par les syndicats agricoles

Du côté des agriculteurs, les réactions ne se sont pas fait attendre. « C’est un peu le coup de trop », réagit François Lesparre, président de la FDSEA des Landes, interrogé par La France Agricole. Le professionnel dénonce « une décision absurde, une insulte au colossal travail de gestion conduit par Irrigadour et la chambre d’agriculture. C’est une décision totalement déconnectée de l’année agricole que l’on vit, avec une ressource en eau abondante, mais qui impacte l’avenir de 4 000 exploitations sur le territoire. »

Même écho à la FDSEA des Hautes-Pyrénées, pour qui « la survie des agriculteurs du Bassin de l’Adour est en jeu ». « L’ensemble des cultures et des élevages des quatre départements dépendent de l’irrigation », affirme-t-elle dans un communiqué.

Le mardi 6 août 2024, des représentants des FDSEA et JA ont rencontré la préfète du sous-bassin, à Mont-de-Marsan (Landes). Accompagnés de banderoles « quand FNE passe, l’agriculture trépasse », ils lui ont fait part de leur « profonde opposition à la décision de justice ». En attendant, le mot d’ordre est à la mobilisation des agriculteurs du bassin, ainsi qu’à l’empêchement de tout contrôle d’irrigation.

Mais davantage que l’impact sur l’irrigation cette année, c’est l’avenir qui préoccupe les agriculteurs. « Quoi qu’il arrive, la campagne d’irrigation ira à son terme », prévient François Lesparre. Mais plutôt que de vivre sur des autorisations annuelles, « à la merci de n’importe quel plaignant », l’enjeu est d’« obtenir en 2025 une autorisation pérenne pour sécuriser l’avenir des fermes du bassin de l’Adour ».

Si à l’échelle locale, les syndicats prévoient d’attaquer la décision en justice aux côtés d’Irrigadour, à l’échelle nationale, la décision prise par la justice est un avertissement pris très au sérieux par les syndicats et Irrigants de France.

(1) La Sepanso 40 et 64 (Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest), Les AMIS DE LA TERRE 32, la FNE (France nature environnement) Hautes-Pyrénées et FNE Occitanie Pyrénées.