En matière de constructions, en vertu du principe de réciprocité, les règles de distance réglementaires prévues pour la construction des bâtiments d’élevage et de leurs annexes s’imposent également, en miroir, à la construction des habitations et des locaux annexes. Concrètement, on va exiger du voisin qu’il respecte les mêmes règles de recul que celles que vous avez dû respecter pour la construction de vos bâtiments.
Sur le plan juridique, les arrêtés ministériels du 27 décembre 2013 imposent une distance minimale en principe de 100 mètres pour la construction de bâtiments d’élevage qui constituent des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et de leurs annexes par rapport aux habitations, mais aussi par rapport aux « locaux habituellement occupés par des tiers ». « En vertu de la règle de réciprocité issue de l’article L. 111-3 du code rural, ces règles de distance s’appliquent autant à la construction de bâtiments agricoles et annexes à proximité d’une habitation ou d’un local habituellement occupé par des tiers qu’à la construction ou changement de destination d’une habitation ou d’un local habituellement occupé par des tiers à usage non agricole nécessitant un permis de construire, indique Jean-Baptiste Chevalier, avocat intervenant en urbanisme agricole. La seule exception concerne les extensions des constructions existantes. »
Dans votre hypothèse, le changement de destination d’un bâtiment agricole existant pour en faire un local artisanal à moins de 100 mètres de ce bâtiment agricole de stockage semble, a priori, possible mais sous certaines conditions liées à la nature des travaux, et donc de l’autorisation nécessaire, et à la distance d’éloignement qui s’applique au bâtiment ou annexe concerné. « Un bâtiment abritant une activité artisanale pourrait, certes, être considéré comme un “local habituellement occupé par des tiers”, dont la création est soumise au principe de réciprocité, puisque cette notion vise les locaux “destinés à être utilisés couramment par des personnes (établissements recevant du public, bureau, magasin, atelier…)”, analyse l’avocat. Mais la première question à se poser est de savoir si ce changement de destination est soumis a permis de construire ou pas. »
« En effet, la règle de réciprocité ne s’impose “qu’à toute nouvelle construction et à tout changement de destination à usage non agricole nécessitant un permis de construire”. Elle ne vise donc pas, en principe, les changements de destination ne faisant l’objet que d’une déclaration préalable de travaux, détaille Jean-Baptiste Chevalier. Or, les changements de destination ne nécessitent normalement qu’une simple déclaration préalable. Ils ne requièrent un permis de construire que si les travaux ont pour objet de modifier une façade ou les structures porteuses du bâtiment. » En résumé, si ce voisin ne modifie pas les éléments extérieurs de l’ancien bâtiment agricole et ne dépose qu’une déclaration préalable de travaux, ce changement de destination ne pourra pas, en principe, se heurter à la règle de réciprocité et aux règles de distance minimale.
Deuxièmement, ce n’est que si la distance minimale applicable est de 100 mètres que ce changement de destination pourrait être compromis. En effet, cette distance varie en fonction du type d’élevage : elle est en principe de 100 mètres, mais réduite à 50 mètres pour les élevages de porcs et de volailles en plein air dont la densité est inférieure à 0,75 animal équivalent par mètre carré, et réduite encore à 15 mètres pour les stockages de paille et de fourrage de l’exploitation. Si, par exemple, votre bâtiment de stockage ne sert qu’au stockage de la paille et du fourrage de l’exploitation, la distance applicable sera de 15 mètres et un changement de destination à 50 mètres sera possible.