« En porc, il existe plusieurs leviers pour agir sur les gaz à effet de serre (GES) » a expliqué Annie Soulier de l’Institut du porc (Ifip) lors du dernier Space à Rennes (1). En matière d’alimentation, cela passe par l’utilisation de matières premières avec moins d’impact environnemental (ressources locales, coproduits). Il s'agit également de réduire la quantité d’azote excrétée (programme multiphase, alimentation de précision…) d'améliorer la digestibilité des aliments et, in fine, d'abaisser l'indice de consommation.
Autre source importante de réduction des émissions : la gestion et le traitement des effluents, grâce par exemple à la méthanisation ou l'augmentation de la fréquence d’évacuation. Les éleveurs peuvent aussi travailler sur la qualité de l’air du bâtiment (lavage d’air, brumisation…) et la consommation d’énergie. « Selon nos hypothèses, pour chaque grand levier, on peut estimer des réductions des émissions d'émissions totales de GES de l’ordre de 10 % pour une rémunération d’environ 20 000 € par an » souligne l’ingénieure.
"Pas d'investissements conséquents"
Des simulations ont été réalisées sur deux élevages du groupement Evel’Up. Dans le premier (600 truies), un nouveau bâtiment engraissement est envisagé avec un raclage à plat, une couverture de fosse (type Nénufar) permettant de récupérer le méthane, et l'installation d’une chaudière à gaz. « Toutes ces mesures permettraient une réduction de 871 t de CO2 émis par an soit une rémunération de 26 000 € sur la base d'un prix de 30 € /t de CO2. Sur la base d’un investissement de 135 000 € et d’un prix du propane à 0,10 €/kg, le retour sur investissement serait de 5 ans sans la rémunération carbone, et de 2 ans avec », détaille Annie Soulier.
Le deuxième élevage compte 750 truies en système engraisseur partiel. Il utilise une fabrique d'aliments à la ferme. Le taux d’incorporation du tourteau de soja dans les aliments croissance et finition a été abaissé de moitié, respectivement de 13 à 6,5 % et de 10 à 5 %. Il est remplacé par un tourteau de tournesol décortiqué d’origine française ajusté avec des acides aminés. Cela entraîne une réduction de 566 t des émissions de GES. « Dans ce cas, on pourrait espérer une rémunération carbone de 17 000 € par an. Au prix de l’aliment en juillet 2022, le surcoût alimentaire serait en revanche de 2 490 € chaque année », précise-t-elle.
« Les leviers d’action sur l'alimentation et la gestion des effluents sont facilement accessibles d’un point de vue technique. Il n’y a pas besoin forcément d’investissements conséquents », indique Loïc Dupont conseiller environnement chez Evel’Up. Ce dernier considère le marché du carbone incertain. " La rémunération permettra d’accompagner dans la démarche, mais on ne fait pas un projet décarbonation pour espérer gagner de l’argent, estime le conseiller. Point positif : toutes les actions qui vont améliorer la compétitivité des élevages vont contribuer à la décarbonation. »
(1) L'Ifip a déposé une méthode bas carbone au Ministère de la transition écologique. Elle pourrait être validée au premier trimestre de 2023.